Ce que contient le texte de loi sur l’immigration, écrit par la commission mixte paritaire et voté par le Parlement.

La commission mixte paritaire(CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, peut être réunie à la demande du Premier ministre. Ces derniers se sont mis d’accord le mardi 19 décembre quant au projet de loi sur l’immigration. En effet, une semaine auparavant, une motion de rejet avait été votée à l’Assemblée nationale à propos de ce projet défendu depuis plusieurs mois par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur. Il fallait donc le réécrire.

Quelles mesures ont été adoptées par la CMP puis votées par le Sénat et l’Assemblée nationale le 19 décembre au soir ? En premier lieu, le texte modifie l’application de prestations sociales. Pour que les étrangers non européens en situation régulière puissent toucher des allocations familiales et l’allocation personnalisée d’autonomie, ou bénéficier du droit au logement opposable (Dalo1), un délai de cinq ans est désormais prévu pour ceux qui ne travaillent pas, et de trente mois pour les autres. Pour recevoir l’Aide personnalisée au logement (APL), la condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas et à trois mois pour les autres. Ces restrictions ne s’appliquent ni aux étudiants, ni aux réfugiés ou aux titulaires d’une carte de résident2.

Par ailleurs, le texte issu de la CMP comprend une restriction de l’accès au titre de séjour « étranger malade ». Sauf exception, ce titre ne pourra être accordé que s’il n’y a pas de « traitement approprié » dans le pays d’origine. Mais l’assurance maladie ne prendra pas en charge le traitement si le demandeur a des ressources estimées suffisantes.

En outre, le texte donne aux préfets un pouvoir discrétionnaire3 de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension. Ce titre de séjour d’un an sera délivré au cas par cas, à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. Selon cette « expérimentation » qui s’appliquera jusqu’à fin 2026, un travailleur sans papiers pourra demander ce titre de séjour sans le consentement de son employeur.

De plus, la loi instaure des « quotas », fixés par le Parlement, afin de limiter « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d’asile), et prévoit que se tienne au Parlement chaque année un débat sur l’immigration.

Le texte a également décidé la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre une personne dépositaire de l’autorité publique4. Au sujet du droit du sol5, la CMP a retenu la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : un étranger devra en faire la demande entre ses 16 et 18 ans. Cependant, en cas de condamnation pour crimes, la naturalisation d’une personne étrangère née en France deviendra impossible. Le texte retient aussi le « délit de séjour irrégulier », assorti d’une peine d’amende sans emprisonnement.

Qui plus est, les conditions du regroupement familial6 ont été durcies, avec notamment une durée de séjour du demandeur portée à 24 mois (contre 18 jusqu’à présent), la nécessité d’avoir des ressources « stables, régulières et suffisantes » et une assurance maladie, ainsi qu’un âge minimal du conjoint de 21 ans (et plus 18). Toutefois, un étranger mineur ne pourra faire l’objet d’une décision qui l’oblige à quitter le territoire français, ni faire l’objet d’une décision de placement en rétention. 

Enfin, le texte met en œuvre, sauf dans certains cas, une caution qui doit être déposée par les étrangers demandant un titre de séjour « étudiant », visant à couvrir le coût d’éventuels « frais d’éloignement ».

1 On peut faire un recours Dalo si une demande de logement social n’a pas abouti.

2 La carte de résident est un titre de séjour qui permet à un étranger de résider en France durant 10 ans ou plus. Plusieurs catégories d’étrangers peuvent bénéficier de cette carte qui donne aussi d’autres droits.

3 Une décision discrétionnaire peut être prise légalement par celui qui dispose d’un pouvoir qui lui appartient en propre sans qu’il ait à subir le contrôle d’une autorité.

4 Une personne dépositaire de l’autorité publique a reçu de la part des autorités publiques un pouvoir de sanction et/ou de contrainte (c’est le cas notamment des policiers).

5 Le droit du sol est la règle juridique qui attribue une nationalité à une personne en raison de sa naissance sur un territoire.

6 Le regroupement familial consiste à faire venir de l’étranger sur le territoire national un(e) époux(se) ou un/des enfant(s).

Sources :

Libération, le 19 décembre 2023

https://www.liberation.fr/societe/immigration/ce-que-contient-le-projet-de-loi-immigration-issu-de-la-commission-mixte-paritaire-20231219_6JBBYBDJMFFETIRTOCTFWUR5DE/

Texte n°2008, adopté par la commission mixte paritaire

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2008_texte-adopte-commission#

Lucien Louet

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