Dossier : Regards croisés sur le film « Les gens du Monde », 2014.

Le vendredi 26 septembre, les élèves de la classe média du lycée Montaigne (Paris, 6ème) se sont rendus au Reflet Médicis cinéma du Quartier Latin, pour voir un film, Les gens du Monde, d’Yves Jeuland.

Ce film présente les mutations auxquelles doivent faire face la presse française. Les réseaux sociaux, l’arrivée des blogs et des tweets bouleversent et révolutionnent le métier de journaliste. Le réalisateur nous transporte au cœur du travail de la rédaction du Monde, qui s’apprêtent à fêter ses soixante-dix ans, et nous permet d’assister aux débats au sein de la rédaction. On y voit des journalistes hésitants, interrogatifs et toujours sur le qui vive. Il nous permet de suivre au plus près des acteurs la campagne électorale de 2012, où l’on voit un François Hollande soucieux de son image, cherchant le bon mot et dans l’offensive.

 Dans la rédaction comme sur le terrain, nous assistons ainsi aux débats qui traversent le grand quotidien du soir. Spectateurs privilégiés des oppositions et des tensions de la rédaction, nous partageons aussi l’enthousiasme et les fous rires des journalistes, la fatigue et les doutes, le quotidien du quotidien comme le dit fort justement les rédacteurs du site Allociné.

 

les gens du Monde affiche film

Après le visionnage du film, les élèves ont répertorié des points qui leur semblaient importants et ont cherché à les analyser comme le positionnement politique, l’importance du titre d’un article, la problématique des thèmes à traiter, l’importance des sources, la formation des journalistes, ,,,,

 

Neutralité ou pas, là est la question !

Soutenir l’idée de la neutralité de la presse lors d’une élection présidentielle serait la preuve d’une grande méconnaissance des rouages de la presse. En effet, il semble que le problème de la neutralité soit une question incontournable des journalistes de la presse écrite et du Monde.

Chaque journal s’adresse à un lectorat spécifique et se doit de le conforter dans ses opinions et ses options. Les articles seront donc orientés vers tel ou tel candidat. L’orientation de chaque organe de presse est directement liée à celle de ses actionnaires, ceux qui l’ont créé ou l’ont racheté ; c’est le cas du journal du Monde.

La différence est de taille, on peut s’attendre à une continuité si les créateurs sont toujours présents mais le rachat d’un organe de presse peut être le moyen subtil de manipulation d’un lectorat malléable.

Prendre parti pour un journal est donc le résultat d’une histoire ou d’un combat politique.

 Alexis Delalande, Henri Jung.

 

Le poids des mots

Une scène a retenu notre attention ; nous assistons à une scène où des journalistes s’interrogent sur le titre à donner à l’article. Cette scène traduit parfaitement la situation dans laquelle se trouvent les journalistes pour inciter le lecteur à lire l’article. Quels mots ou quelles expressions choisir ?

Lorsque nous avons un journal entre nos mains, il y a à notre disposition toutes sortes d’articles sur des sujets différents. Notre regard se pose sur un titre en couverture ou dans le sommaire. Son objectif est d’attirer notre attention car il doit se distinguer des autres avec lesquels il est en compétition.

Il peut contenir des mots puissants comme des mots-clés qui sont capables de déclencher une émotion soudaine. Employer aussi certains signes de ponctuation comme les guillemets. Les titres courts sont mieux et sont conseillés car dans le cas contraire, le lecteur peut vite s’ennuyer et changer d’article.

La réponse est dans l’article si le titre marche ! Le titre est la partie la plus importante car c’est le premier élément que remarquent les personnes. L’objectif est de donner envie au lecteur pour susciter l’envie, le désir de lire l’article.

Après quelques minutes de réflexion, les journalistes tombent d’accord.

 Abinaya Kantharoobann, Julie Kang, Lou Gournay.

Quand « les gens du monde » ne sont pas d’accord.

 Le film «Les gens du monde» a été réalisé par Yves Jeuland en 2014, ce documentaire raconte la vie mouvementée des journalistes du journal Le Monde. Il est au sein de la rédaction et révèle les secrets de rédaction des articles. Ainsi apparaissent des désaccords entre les journalistes de la rubrique de la «news room». Comment ces tensions sont-elles gérées?

Le documentaire nous révèle les différentes étapes de création d’un article et nous montre les désaccords qui peuvent exister au sein de la rédaction d’un journal. Comme on peut le voir dans le film, tout est sujet à débat, en effet, du titre à la conclusion en passant par la rédaction de l’article en lui-même. De plus, tous les mots utilisés sont pensés, réfléchis et choisis après de longues discussions entre journalistes.

Le réalisateur souligne les nombreux points qui peuvent causer des différends au sein de la rédaction d’un journal. Ils peuvent être aussi bien politiques que rédactionnels. Tout d’abord, il y a les orientations politiques car si certains journaux tels que Le Figaro, qui est un journal de droite, ou Libération, qui est un journal de gauche, assument leurs prises de position ; d’autres journaux préfèrent ne pas prendre position et tentent de garder une certaine neutralité. Les choix des titres peuvent aussi être l’objet d’intenses discussions voire de polémique et/ou mettre  dos à dos certains rédacteurs. Il ne faut pas perdre de vue que le titre est sûrement l’élément le plus important de l’article. Il doit d’être accrocheur et susciter la curiosité du lecteur.

Lorsqu’il y a un désaccord au sein d’une rédaction, ils sont évoqués durant la conférence de rédaction. Il s’agit d’une réunion au cours de laquelle les journalistes se retrouvent pour évoquer ce qui «fera l’actualité» et elle peut parfois faire l’objet d’intenses débats. Néanmoins, si aucun accord n’est trouvé entre les rédacteurs, la décision revient au rédacteur en chef qui, le plus souvent suit le choix de la majorité.

Au regard de ce film, nous pouvons nous interroger sur l’objectivité dans le domaine journalistique. Peut-on parler d’objectivité au sens strict du terme ? L’objectivité est-elle réellement possible lorsqu’un journaliste relate des faits sur lesquels il porte un jugement ?

 Léa Angelvy, Annissa El Mataam, Fanta Bah

Les journalistes et les sources

 A la suite du visionnage du film, nous pouvons nous interroger sur le lien entre les journalistes et l’opinion publique. Peut-on parler de manipulation ?

Les journalistes ont tous des sources qui leur fournissent des informations concernant leur travail. Comment les obtiennent-ils ? Les sources sont nombreuses, plus ou moins crédibles, prenons comme exemple le réseau spécifique : échanger des appels téléphoniques avec des personnes proches de l’événement en question, détour par des sources susceptibles d’avoir un autre point de vue, confirmation d’un point précis grâce à un expert, cela n’arrive pas souvent c’est pour cela qu’on arrive à penser que le journaliste manipule ses lecteurs.

Le travail d’enquête du journaliste dépend beaucoup de ses sources, de son réseau personnel, de la confiance qui existe entre lui et ses interlocuteurs. Un bon carnet d’adresses est un atout dans le métier. 

 Katia Bounghar

L’image, révélatrice de la réalité ?

Ce qui reproduit, imite ou évoque quelqu’un ou quelque chose. C’est cette imitation qui donne ce pouvoir à l’image, comme la devise de Paris Match le traduit : « Le poids des mots, le choc des photos ». Dans notre société actuelle, l’image est omniprésente (en publicité, dans les médias,…). Elle a une grande influence sur nous. Selon son cadrage et l’instant où elle est prise, une photographie peut avoir de multiples interprétations.

Le film sur « Les gens du Monde » que nous avons vu pose indirectement le problème de l’image. En effet, Le Monde a depuis peu introduit l’image sur ses pages. Lors de la rédaction d’un article, les images ne sont jamais choisies au hasard. Prenons pour exemple le conflit israélo-palestinien : très souvent, la télévision dévoilait des photographies d’enfants mutilés pour choquer, « attendrir », le téléspectateur. Il en est de même avec le crash du Boeing MH17 le 17 juillet dernier où une photographie de peluches éparpillées dans les champs circulait sur le web. La référence à l’enfance vue comme victime innocente touche tout de suite l’audimat.

crash boeing

 Un autre inconvénient de l’image : son effet instantané, qui ne capture qu’un instant d’une action et non sa totalité. Ainsi, dans le journal néerlandais « Volkskrant » du 31 décembre 2013, un article mettait en scène les poignées de mains « ratées » de François Hollande.

poignées de main ratées Hollande

 

poignée de main gros plan

L’image a aussi un autre effet secondaire : sa capacité à tout faire croire aux gens puisque l’image est une preuve. Ainsi, lors de l’affaire médiatique des charniers de Timisoara en décembre 1989, lors de la chute du régime Ceauçescu, les médias occidentaux annoncent quelques centaines jusqu’à 70 000 morts. Et ils font circuler des images de charniers. En réalité, ces charniers sont composés de corps déterrés du cimetière de la ville pour décrédibiliser plus encore Ceauçescu. Cette affaire a été vue comme une compétition entre les médias autoréférentiels qui ont appuyé leurs arguments par de fausses preuves.

Cependant, il y a des limites à la « manipulation » de l’image. Le contenu d’une photographie publiée par un média ne peut pas être modifié et retouché : un exemple avec la retouche d’une photographie de Nicolas Sarkozy en août 2007 par Paris Match et qui a fait grand bruit dans les médias.

Concernant le journal Le Monde, la photographie n’est pas l’atout premier. Il préfère l’écrit et donc le mot pour relater un fait. Mais la photographie n’a-t-elle pas tendance à étouffer le contenu de l’information ?

 Juliette Cagnac, Anne Chapkovski, Cléo Sakislan

 Un langage simplifié pour un public plus large ?

 Le film « les gens du Monde » met en lumière les problèmes constants d’écriture d’ articles : choix des titres, de la formulation, des mots qui frappent la curiosité du lecteur.

D’une manière générale , les médias évitent d’employer un langage trop complexe pour formuler leurs informations, trop soucieux qu’ils sont d’augmenter leur audience.

Nous pouvons voir une scène dans le film dans laquelle Ariane Chemin et une autre journaliste discutent d’un sujet jugé trop complexe pour les lecteurs et vont faire en sorte de modifier leur article pour qu’il soit plus accessible.     

Ariane Chemin Le Monde                                

Des études ont montré qu’un lecteur met, en moyenne, 7 secondes pour choisir un article, au delà, il change de lecture. Même chose à la télévision, des sujets trop compliqués, qui demandent un effort de réflexion découragent les téléspectateurs qui changent de chaîne. Sur France 2, un expert (économiste…) « résume » son sujet avec des schémas, tableaux divers et graphiques pour faciliter la compréhension pour gagner de l’audimat.

Le film montre des journalistes soucieux de la qualité de l’information qu’ils transmettent, de leur positionnement face à des événements politiques même s’ils sont préoccupés par le type de public qu’ils touchent (« les jeunes ne lisent pas le Monde » affirme un jeune journaliste lors d’une conférence de rédaction). La course à l’audimat ne semble pas affecté les journalistes , même s’ils se soucient des formulations et des gros titres mais davantage pour vendre une marque de prestige celle du Monde que de se soumettre à la simplification du discours devenue la règle dans bien des médias.

Emmanuel Guichard

 

Devenir journaliste….

Suite au visionnage du film « Les gens du Monde », documentaire réalisé en 2014 par Yves Jeuland nous nous sommes posés une question : Comment devenir journaliste et quel parcours d’étude est nécessaire ?

Le métier de journaliste demande-t-il un niveau d’études élevé ?

Pour répondre à cela le journaliste Samuel Étienne, journaliste à France Télévisions nous dit :« Le journalisme est l’une des dernières professions « ouvertes » à des personnes qui ne sont pas nécessairement passées par une école. Je croise tous les jours de très bons journalistes qui ont fait des études de lettres, de droit, de médecine, ou encore une école de commerce… voire pas d’études du tout. Reste que cette profession, au fil des ans, se professionnalise : aujourd’hui, de plus en plus de journalistes ont suivi une formation spécialisée. On peut alors esquisser le parcours « royal » : un Institut d’études politiques, suivi d’une école de journalisme de bon niveau. Reste que ce n’est pas l’école qui fait le bon journaliste. ».

Pour Samuel Étienne, il est possible de devenir journaliste télé sans passer par une école mais ce n’est pas facile pour autant. Le journalisme est une profession qui attire de nombreux candidats. D’après lui la sélection se fait sur le talent mais aussi (et peut-être surtout) sur la motivation.

Pour devenir un journaliste, les bacs S, L et ES sont conseillés. Ensuite, il n’est pas obligatoire de posséder un diplôme, suivre une formation spécialisée dans un centre reconnu par la profession suffit. Il faut un niveau bac+2 minimum pour avoir accès au concours d’un centre de formation. Il est fortement conseillé d’opter pour un parcours en droit, en communication, en lettres, ou en sciences politiques.

Nous pouvons constater qu’il n’est pas obligatoire de faire un long parcours d’études pour devenir un journaliste mais il est quand même conseillé d’en faire pour s’assurer un bon début dans cette carrière.

Dans le film, le problème de la formation du journaliste est nettement posée et donne lieu à un débat entre Florence Aubenas favorable à une ouverture du métier moins diplômante mais variée au niveau des origines sociales alors que d’autres journalistes soucieux de la qualité et du prestige maintiennent une position traditionnelle qui passent obligatoirement par les écoles de journalisme.

Va-t-on vers un libre accès au métier de journaliste qui ne nécessiterait plus d’études ?

Enzo GALLAND, Mahé DROZ-BARTHOLET

 

Le rôle des scoops et des exclusivités dans le monde du journalisme.

porte voix news

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 Faisant suite à la sortie du film «  les gens du Monde », certaines questions se sont posées sur le métier du journalisme en classe. Comme par exemple le rôle du scoop et de l’exclusivité de l’information.

Les journalistes comme nous les imaginons, partent à la recherche d’informations leur carnet à la main, interviewent sur leur sujet et trouvent des réponses aux questions posées par le public. Puis ils rédigent un article pour leur journal. C’est le cas de ce journaliste du Monde qui suit la campagne présidentielle de François Hollande de 2012 ou de ces deux journalistes recueillant les bon mots des discours de Marine Le Pen, lors du rassemblement FN du 1er mai.

Mais comme le dévoile le film, aujourd’hui beaucoup de journalistes restent dans leur bureau,  téléphone à la main, récoltant des informations confidentielles de sources diverses mais qui poussés par le risque que cette information soit appropriée par la concurrence, ne font aucun travail de vérification et prennent le risque de donner une fausse information .

C’est ce qui a failli advenir aux journalistes du Monde concernant l’hospitalisation de Michel Rocard et les rumeurs de sa mort. Une nécrologie était déjà prête avant même l’annonce de son hospitalisation .

En revanche, le scoop concernant l’affaire du Carlton et DSK au sujet de procès verbaux de sa garde à vue, a fait l’objet de la part d’Ariane Chemin d’ un gros travail d’investigation, de recoupement qui lui a permis de publier un scoop qui a fait l’objet de polémique y compris au sein du monde  des médias.

La course à l’exclusivité de l’information ne nuit-elle pas à l’intégrité du journaliste ?

Emma Le Bloa, Alexia Monti et Daphné Peres

 

Conclusion

Plus que jamais le documentaire les gens du Monde   met en lumière le quotidien et les questions fondamentales du journalisme touché par la révolution numérique et ses retombées : vigilance constante par rapport à une information diffusée dans les réseaux sociaux, vieillissement de l’âge des lecteurs qui se tournent vers les gratuits ou le presse web.

Mais aussi le souci constant de rendre compte d’une actualité ou d’un événement tout en restant le plus objectif possible, tout en étant conscient de ses propres positionnements politiques. Restent la satisfaction d’observer des échanges et des débats entre les journalistes du Monde qui n’ont de cesse d’améliorer la qualité du journal, de rendre compréhensible et intéressant le monde qui nous entoure.