Voltaire et les Lumières…
Au XVIIIème siècle, à la cour de Berlin, apparaît l’idée d’un dictionnaire rédigé collectivement. Voltaire est motivé par son indignation après un certain nombre d’affaires liées à l’intolérance religieuse. « Il veut écraser l’infâme », c’est-à-dire l’église, la religion comme passion, et les dogmes. L’écriture du dictionnaire philosophique devient une écriture de combat, celui de Voltaire pour faire triompher les lumières de la philosophie contre l’obscurantisme.
Dans cet article daté de 1764 et extrait du Dictionnaire philosophique, l’écriture de Voltaire est incisive pour mieux dénoncer l’intolérance. En quoi et pourquoi le fanatisme religieux est une maladie ? C’est ce que s’attache à démontrer Voltaire dans cet article. Après une courte biographie de Voltaire, nous essaierons de préciser ce que dénonce Voltaire, comment il le dénonce et enfin comment peut-on lutter contre le fanatisme ?
Voltaire (1694-1778) est un homme de lettres et philosophe français, auteur d’essais et de contes philosophiques qui témoignent de son souci de vérité de justice et de tolérance.
Ecrivain et philosophe français, il a marqué le XVIIIème siècle en étant certainement le représentant le plus connu de la philosophie des lumières.
Voltaire domine son époque par l’ampleur de sa production littéraire et la variété des combats politiques qu’il a mené.
Son œuvre littéraire est riche et variée, sa formule la plus célèbre « Ecrasons l’infâme » évoque son combat contre l’obscurantisme.
Que dénonce Voltaire dans cet article?
Anticlérical, il dénonce le fanatisme religieux de son époque. La définition contemporaine du dictionnaire Larousse donne pour définition du fanatisme: « Qui est emporté par une ardeur excessive, une passion démesurée pour une religion, une cause, un parti, etc. Qui a pour quelque chose, quelqu’un une admiration passionnée, enthousiaste. »
La forme de l’article pourrait laisser croire à une définition au sens propre du terme : « le fanatisme est ». En réalité, c’est une dénonciation, un pamphlet contre les fanatiques : « le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère ». La superstition est un poison, contraire à la raison et à l’argumentation. Dans cet article, Voltaire n’est pas neutre, il donne son avis et apporte donc toute sa subjectivité à la définition. Pour lui, le fanatisme trouve ses racines dans la religion qui empoisonne le cerveau des hommes. Il prend pour exemple des personnages bibliques, Aod, Judith et Samuel pour les tourner en dérision. « Ces misérables ont sans cesse à l’esprit l’exemple d’Aod, qui assassine le roi Eglon ; de Judith qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; du prêtre Joad qui assassine sa reine à la porte aux chevaux (…) ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne. » Voltaire les compare à des fanatiques plutôt qu’à des héros et accuse la religion d’être responsable de la violence. Alors que les textes saints condamnent le meurtre, la religion pousse au meurtre. En effet, il cite des assassinats et même un fratricide commis au nom de la religion. Barthélemy Diaz tue son frère Jean « qui n’était encore qu’un enthousiaste luthérien ».
Pour Voltaire, les lois sont totalement inefficaces pour lutter contre ce fléau. L’intolérance poussée à son paroxysme peut engendrer des massacres sanglants comme celui de la nuit de la Saint Barthélemy le 24 aout 1572. « Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièce, la nuit de la saint Barthélémy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe ». Voltaire précise également que ce poison peut se répandre avec des mouvements de foule, et la pression de la pensée dominante: « Guyon, Patouillet(…)ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde; mais un jour de Saint Barthélemy ils feraient de grandes choses. »
Comment Voltaire parvient à dénoncer le fanatisme ?
Son article est précis, structuré, argumenté et étoffé par des exemples. Son texte est une argumentation, une démonstration quasi scientifique. Il utilise des exemples nombreux et historiques comme Polyeucte : « Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité, renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatique moins horrible que Diaz, mais non moins sot ».
Il vise donc à convaincre le lecteur en le poussant à réfléchir, le triomphe de la raison sur la croyance ou la rumeur.
Il utilise un style cinglant et la métaphore pour dénoncer le caractère pathologique du fanatisme. Il compare le fanatisme à la peste des âmes : « c’est une maladie de l’esprit qui se gagne comme la petite vérole ».
On retrouve dans le texte de nombreux mots et expressions issus du champ lexical de la maladie et de l’épidémie : « remède » ; « maladie épidémique » ; « accès du mal » ; « progrès du mal » ; « poison » ; « aliment salutaire » ; « cerveau infecté » «, de la maladie mentale « fou furieux », « folie » « rage », « fureur » …
Il fait appel aux sentiments du lecteur et use de l’ironie et de la satire : « il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu ».
Voltaire met aussi en garde contre les hommes charismatiques, les « beaux parleurs qui endoctrinent les foules. « Mais quand un homme ardent d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. »
Comment peut-on lutter contre le fanatisme ?
Voltaire propose un antidote : la philosophie comme remède à l’intolérance, la raison, l’argumentation, le débat contre les passions et la folie humaine. « Le fanatisme est une maladie de l’esprit » selon Voltaire. Toujours dans un style métaphorique, la philosophie peut se propager telle une contagion « Il n’y a pas d’autres remèdes à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes ».
Son modèle de référence est celui de la Chine « il n’y a qu’une seule religion dans le monde qui n’est pas été souillée par le fanatisme, c’est celle des lettrés de la Chine. » La sagesse de ces hommes est incompatible avec la folie et l’intolérance.
Il utilise des exemples dans différentes époques et différentes religions.
La philosophie rend les hommes tranquilles, sereins, par opposition à l’énervement, la fureur, les convulsions, l’enthousiasme débordant. « On s’échauffe rarement en lisant (…) Mais quand un homme ardent d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs ». « L’effet de la philosophie est de rendre l’âme tranquille et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité ».
Le philosophe, est un homme éclairé, à l’image de la lumière qui éclaire le monde. Les philosophes doivent davantage participer au gouvernement et doivent pouvoir décider et transmettre leurs idées. La philosophie est incompatible avec le fanatisme, synonyme d’agitation forcenée. L’article est très convaincant avec une métaphore filée, celle de l’épidémie qui permet de démontrer les ravages du fanatisme et les excès de la religion.
En conclusion, les récents évènements et l’assassinat tragique du professeur Samuel PATY nous interrogent sur notre époque et la disparition de cet esprit des Lumières expliqué par Voltaire dans son article. Comme Voltaire le démontre,
alors que les textes saints condamnent le meurtre, la religion pousse au meurtre. Les terroristes sont des fanatiques qui n’ont sans doute d’ailleurs jamais lu les textes saints auxquels ils prétendre adhérer et obéir. L’ignorance est un fléau. Comme le dit Robert Badinter, ancien président du conseil constitutionnel et garde des sceaux, dans son hommage à Samuel Paty, la seule arme qui vaille est celle du savoir et de l’éducation. « La laïcité de notre République, c’est enfin la fraternité, parce que tous les êtres humains, femmes ou hommes, quelles que soient leurs croyances ou leurs opinions, méritent une égale considération et appellent un même respect.
C’est pourquoi en France, l’École de la République est laïque car la laïcité garantit à tous les élèves et à tous les niveaux un enseignement consacré au seul culte du savoir et de la recherche, qui forgent les esprits libres et ouverts au monde. »
Le fanatisme est une maladie car il empoisonne les esprits et entraine la mort et la destruction des civilisations.
La Classe Médias