Dans ce dossier, nous avons voulu faire une présentation de la Russie aujourd’hui, c’est-à-dire une puissance « réémergente ». Nous avons cherché à la présenter sous un angle nouveau. Notre démarche repose sur une série de questions que nous nous sommes posés au moment de constituer le dossier. Qui est Poutine ? Qu’en est-il de la démocratie en Russie ? Quelle est la place des médias ? Quelle est la place de l’opposition en Russie ? Quelle influence exerce la Russie sur le continent européen et dans le monde ? Est-elle une véritable puissance industrielle ou un colosse aux pieds d’argile ? Voilà de nombreuses questions qui méritent autant de réponses.
Qui est Poutine ? Le nouveau tsar de Russie ?

Vladimir Vladimirovitch Poutine, né le 7 octobre 1952 à Léningrad, est un homme d’État russe président du gouvernement de 1999 à 2000 et de 2008 à 2012. Il est aussi président de la Fédération de Russie depuis 2012, et par intérim l’a été de 1999 à 2000, puis de 2000 à 2008.
A l’âge de 16 ans, il procède à une formation pour le KGB (anciens services secrets russes devenus aujourd’hui « FSB »). Il devient officier opérationnel dans le service du contre-espionnage local. Il deviendra directeur du FSB, mais aussi responsable des relations entre le Kremlin et les régions avant que Boris Eltsine lui demande d’être Premier ministre.
En 1999, après la démission de Boris Eltsine, Vladimir assure les fonctions de président de la Fédération de Russie. Il remporte l’élection en mai 2000, dans des conditions polémiques lorsque des rumeurs révèlent le trucage de l’élection de celui-ci. Ses deux mandats permettront au pays de se relever économiquement, rendant à la Russie un peu de sa puissance d’antan mais le président Poutine affiche sa volonté de reprendre les rênes de toute l’administration. Pour lutter contre l’exil fiscal des oligarques financiers, il emprisonne certains d’entre eux, dont le plus célèbre reste l’ancien président de Ioukos, enfermé en Sibérie. En 2008, à la suite de deux mandats consécutifs de quatre ans et « soucieux » de ne pas changer la constitution, Vladimir Poutine offre à Dmitri Medvedev la possibilité de devenir président de la Russie, sous la bannière du parti Russie unie, à condition que celui-ci soit nommé Premier ministre. Poutine est réélu en 2014 au moment où la Russie connait un redressement de l’économie. Il a pour ambition de redonner à la Russie sa puissance.
Il se forge, une conception totalement martiale des rapports humains, une capacité certaine à la confrontation physique et psychologique qui lui sert durant toute sa vie politique et dans ses rapports avec ses adversaires. Cependant, plus des deux tiers de la population approuvent sa politique. Il vise un quatrième mandat jusqu’en 2024 où il aura 72 ans. Bien que l’annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine lui soit reprochées, le nouveau tsar de Russie n’a pas fini d’étendre son empire dans la sphère politique actuelle.
Qu’en est-il de la démocratie en Russie ?
En apparence, il existe une démocratie en Russie. La démocratie est un régime politique dans lequel le peuple est souverain. En Russie, c’est effectivement le peuple qui vote au suffrage universel direct et qui décide donc de la présidence de son pays. Depuis 2003, le parti de Vladimir Poutine possède la majorité aux élections législatives, avec 64,30% des voix en 2007. De plus, il en est aujourd’hui à son troisième mandat après deux consécutifs de 2000 à 2008, il a ensuite dû laisser sa place à Medvedev, un ami, et a été réélu en 2012. Sa présence au pouvoir semble donc être voulue par une majorité importante de la population russe.
Mais, après son troisième mandat, des manifestations anti-Poutine ont lieu à Moscou et dans les grandes villes du pays. Si ce nouveau succès est tant contesté, on peut s’interroger sur les méthodes suivies par le maître du Kremlin pour gagner les élections. Différents procédés sont utilisés…
Président, Vladimir Poutine contrôle fortement les médias : il a dissout l’agence de presse officielle Ria Novosti pour la remplacer par l’organisme Rossia Segodnia. Les médias sont muselés. Une émission de cette nouvelle chaîne est très regardée et populaire pour ses positions conservatrices anti-opposition, anti-américaine et anti-gays. Effectivement, étrangers et homosexuels sont extrêmement mal vus en Russie et peuvent être persécutés.
S’il est tenté quelque chose contre le système, la prison est inévitable. Les colonies pénitentiaires russes sont des goulags modernes où la violence est pratiquée sur les prisonniers comme le témoigne, entre autres, Nadejda Tolokonnikova, une membre des Pussy Riots. Le moindre faux pas à l’égard du gouvernement est risqué, ce qui fait peur à la population. Mais les témoignages sont rares…
Le 27 février 2015, Boris Nemtsov, un opposant à Poutine trouve la mort à Moscou. Une attaque par balle violemment contesté par la population qui a manifesté en grand nombre dans les rues. Qui est responsable de cette mort ? Le Kremlin est suspecté mais peut-être que l’enquête ne sera jamais résolue.
En Russie, avec Vladimir Poutine au pouvoir, il y a une absence de liberté ; les médias sont contrôlés, l’emprisonnement devient la règle ou la mort des opposants une banalité. La dictature de Poutine est cependant cachée par des élections démocratiques en apparence. La pression exercée diffuse la peur dans la population et, malgré quelques manifestations, le pouvoir de Poutine est bien installé.
Muniglia-Raynal Mathilde
Quelle est la place des médias en Russie ?
Влади́мир Влади́мирович Пу́тин, Vladimir Vladimirovitch Poutine en russe, est le onzième président de la fédération de Russie et président actuel du plus grand pays géographiquement parlant. Il est malheureusement connu en Europe, comme étant un despote russe utilisant l’information comme un outil de conquête…
Vladimir Poutine a très bien compris que, pour se maintenir au pouvoir, il doit contrôler les médias et embrigader la jeunesse. Il n’hésite pas par ailleurs à développer un culte de la personnalité et la propagande. En quelques mots, la propagande se résume à un ensemble d’actions visant à endoctriner, embrigader ou influencer le peuple par l’application de techniques de manipulation psychologique de masse. Elle se distingue de la publicité par son caractère non-commercial et elle est fortement utilisée dans beaucoup de gouvernements autoritaires comme celui de Vladimir Poutine…
On peut noter la présence d’une « jeunesse pro-Poutine » appelée « nachi » qui signifie « les nôtres » en russe, ce qui n’est pas sans rappeler les jeunesses d’un ancien dictateur mort, il y a 70 ans. Un site russe du nom de « sputnik » en est une parfaite illustration.
On peut s’interroger sur le rôle des journalistes et leur capacité à informer objectivement le peuple russe. Existe-t-il une presse libre ? Que risquent les journalistes dans une société où les pratiques de l’ « ancien régime soviétique » réapparaissent ?

Caricature d’un journal néerlandais représentant Vladimir Poutine, trainant en laisse les médias ici incarnés par un chien portant une muselière.
Jean-Baptiste Walbecq
Quelle est la place de l’opposition en Russie ?
La véritable opposition politique en Russie est mise à mal depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 avec la construction du parti de pouvoir Russie Unie et la marginalisation des partis politiques libéraux et démocrates qui ne sont plus représentés au parlement depuis les élections législatives de 2003. L’opposition s’incarne dans des mouvements informels développés depuis 2005. Dans le sillage de cette mobilisation, des mouvements sociaux locaux assez limités se sont développés dans le pays et jouent d’une certaine façon ce rôle de contre-pouvoir face au gouvernement russe. On a pu voir la convergence de ces mouvements à l’hiver 2011/2012 au moment des grandes manifestations contre la falsification des élections. Ce mouvement de protestation, également appelé mouvement des Rubans blancs fêtera le 5 décembre 2015 son quatrième anniversaire. En effet, en 2011, au lendemain des élections législatives, eu lieu ce fameux meeting et la marche vers la Loubianka. Par la suite, les citoyens ont pris part à une action sur la place Triomphale. Enfin, le 10 décembre, la plus grande manifestation des vingt dernières années se déroulait sur la place BolotnaÏa. En raison des évènements, Alexeï Malachenko, expert au Centre Carnégie de Moscou déclarait : « Il n’y a plus aucune confiance envers les dirigeants, c’est une crise politique grave. »
Manifestation anti-Poutine dans les rues de Moscou, le 10 décembre 2011.
Depuis 2003, les assassinats d’opposants russes ne cessent d’accroître, une longue liste de meurtres tout aussi inquiétants les uns que les autres : enlèvement, empoisonnement… D’autres encore sont retrouvés abattus d’une ou plusieurs balles. De nos jours, être opposants au Kremlin en Russie se résume à risquer sa vie au quotidien.
Depuis son retour au Kremlin en mai 2012, Vladimir Poutine a brutalement durci la ligne à l’égard de toute contestation. Arrestations, procès, inculpations pour le simple de fait de participer à des manifestations, intimidations, lois contre «le blasphème» et «la propagande en faveur de l’homosexualité»… Et durant la nuit du vendredi 27 février 2015, Boris Nemtsov, opposant et ancien vice premier ministre fut tué par balle devant les murs du Kremlin, en plein centre de Moscou, à l’âge de 55 ans.
(http://bcove.me/10tyittd, le Figaro, durant la marche en hommage à Nemtsov où 70.000 personnes défilaient.)
Un assassinat de trop ?
Boris Efimovitch Nemtsov est né le 9 octobre 1959 à Sotchi et est mort assassiné, le 27 février 2015 à Moscou. C’était un homme politique libéral russe, qui avait notamment été l’un des chefs de la file de la vague de contestation sans précédent qui avait marqué en 2011-2012 la campagne de Vladimir Poutine. Plusieurs fois interpellés par les forces de l’ordre au cours de manifestations, il avait également subi des perquisitions et été mis sur écoute, sans jamais cesser de critiquer la corruption de ce qu’il appelait « système oligarchique » du Kremlin. Il est le premier gouverneur de l’oblast de Nijni Novgorod de 1991 à 1997. Il devient par la suite ministre de l’énergie et vice président du gouvernement chargé de l’économie sous la présidence de Boris Eltsine, de 1997 à 1999. Il restera un vif opposant à Vladimir Poutine.
Boris Efimovitch Nemstov, celui qui parlait trop…
Boris Efimovitch Nemstov, 55 ans, a été abattu par quatre balles dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 février dans le centre de Moscou à quelques pas du Kremlin. Il a été abattu alors qu’il « se rendait avec une jeune femme à son appartement, qui est situé non loin du lieu des faits. Il est évident que les organisateurs et les auteurs de ce crime étaient informés de son trajet », selon les enquêteurs russes qui évoquaient également cet assassinat comme « minutieusement planifié ». Cependant cinq suspects du meurtre de l’opposant russe Boris Nemtsov d’origine tchétchène ont été présentés à l’opinion publique, ainsi que déférés devant le tribunal de Basmany de Moscou, qui les a placés en détention préventive jusqu’au 28 avril 2015.
Plusieurs personnes ont été témoins de cet assassinat, selon les forces de l’ordre. Identifiés, les deux premiers, Anzor Goubachev et Zaour Dadaev ont été « inculpés » de meurtre. Sur les trois autres individus, considérés comme leurs « complices », dont le frère d’un des deux accusés est seulement suspecté. Parmi ces cinq hommes, un seul aurait reconnu le dimanche 8 mars 2015 avoir participé au meurtre de Boris Nemtsov.
Eva Vuarnesson, Chloée Thuaud
Quelle influence exerce la Russie sur le continent européen et dans le monde ? Est-elle une véritable puissance industrielle ou un colosse aux pieds d’argile ?
Pendant la seconde moitié du XXème siècle, la Russie s’est illustrée par de multiples conquêtes et tentatives de conquêtes sur les pays avoisinants. De l’Afghanistan en passant par la Tchétchénie ou encore plus récemment l’Ukraine, la Russie possède de grandes et inquiétantes ambitions sur les possessions de ses proches voisins. Dans cette première partie du dossier consacré à ce thème, nous présenterons les différents conflits qui ont eu lieu depuis les 50 dernières années et ayants eu pour belligérants l’ogre insatiable Russe et essaieront d’en expliquer les raisons. Rappelons que jusqu’en 1991, la Russie n’est pas encore Fédération, mais elle est l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques). En premier lieu, en janvier 1968, les troupes du Pacte de Varsovie (Alliance opposée à l’OTAN occidentale), composées essentiellement de soldats soviétiques envahissent la ville de Prague, capitale de la Tchécoslovaquie où le dirigeant Alexander Dubcek s’était dressé contre Moscou en réformant le système soviétique en place. Cette intervention s’explique par la volonté de la Russie de conserver une unité au sein de la vaste URSS, qui, au cours de la Guerre froide, eu tendance à s’effriter. En 1979, l’Afghanistan est victime d’une série de coup d’État. Le 14 septembre 1979, le président Taraki, un proche de Moscou, est assassiné et le pouvoir est pris par un régime communiste n’ayant pas les faveurs du grand frère Russe. Cet enchaînement d’événements conduit à une intervention armée de l’URSS qui durera 10 ans, jusqu’en 1989. Le conflit le plus meurtrier est sans doute celui de Tchétchénie, qui débuta en 1994 et finit en 1996 avec les accords de paix de Khassaviourt. Cette guerre fait suite à l’éloignement de la Tchétchénie de Moscou après l’effondrement de L’URSS en 1991. Cette sanglante guerre a un bilan humain extrêmement lourd : près de 70 000 personnes furent tuées. En 2008, les séparatistes russes d’Ossétie du Sud entre en conflit armé avec la Géorgie. Ceux-ci seront soutenus par la Russie, soucieuse de conserver une province Russe en Ossétie sudiste. Ce court conflit fera 162 morts (chiffres de la justice russe).
Enfin, en 2014, pendant les jeux olympiques d’Hiver russes, le peuple Ukrainien se soulève et renverse la pouvoir corrompu et oligarchique en place. Le nouveau gouvernement est vu d’un mauvais œil par les pro-russes de l’Est de l’Ukraine, ce qui déclenche une guerre civile ainsi qu’une tentative d’annexion de la Crimée par les forces russes.
Profitant d’un contexte politico-économique favorable, la Russie a entrepris de reprendre la main sur l’espace qu’elle définit comme « étranger proche », c’est-à-dire le territoire post-soviétique qu’elle vise à recontrôler. Stratégie confirmée par les propos récurrents du président russe, Vladimir Poutine, qui dit vouloir protéger les minorités russes de pays voisins. La Russie veut en tout cas réaffirmer sa prééminence déchue et par sa politique d’expansion, elle réaffirme son retour à une géopolitique (et idéologie) soviétique. Deux buts à cette expansion : le premier élément de la stratégie russe consiste à affaiblir ses concurrents européens, en tentant de réduire leur taille, à travers le soutien aux mouvements indépendantistes qui se renforcent suite à la crise économique : «diviser pour mieux régner». Parallèlement, la Russie représente par sa superficie le plus grand pays au monde. Elle souffre néanmoins de sa population trop faible, 143 millions d’habitants, qui peine à se reproduire, ce qui ne l’empêche pas de détruire les autres Etats. Le premier élément a donc pour but de renforcer son poids démographique. Mais la Russie cherche autant à accroître sa population que son territoire, les deux étant étroitement liés lorsqu’on parle d’expansion. Les possibilités s’offrent alors à l’ouest pour elle. La présence importante de pays aux populations d’origine russe et de russophones, laisse la possibilité à Moscou de s’accaparer de régions comprenant aussi des minorités non russophones. D’où la préoccupation de la Moldavie ou de la Lettonie dont plus d’un tiers est d’origine russe. C’est le cas pour l’Ukraine, dont 8 millions sont des russes ethniques, mais également la Biélorussie avec ses 9,5 millions. Avec sa politique d’expansion et d’immigration, la Russie peut espérer former une entité d’individus assez importante pour mener à bien sa politique militaire contre les autres états.
L’Ukraine


Cette expansion du territoire russe a de lourdes conséquences : tout d’abord, sur le plan international, la Russie perd de la crédibilité car, si en théorie, elle se dit « démocratique», elle n’agit pas systématiquement comme telle. De même, sur le plan humain, le bilan est lourd car on recense des milliers de morts, de nombreux blessés et donc des familles endeuillées ; sans compter les multiples villes détruites (tels que les crimes de guerre recensés en Tchétchénie). Cependant les conséquences les plus terribles sont celles que subi le peuple russe même. Car il faut savoir que la guerre (celle contre Ukraine actuellement) ruine l’économie russe. La population souffre donc directement de ces conflits auxquels elle assiste impuissante.
Simon Le Luong, Mona Laboule et Fanta Bah