Louis Bonaparte est souvent présenté comme un dirigeant autoritaire, presque un tyran. Pourtant sa carrière politique est passionnante ; sous son règne la France connait une croissance économique époustouflante. Il marque l’Histoire à sa manière. Mais Napoléon III a une importance fondamentale dans la création de l’idéologie bonapartiste. Ce n’est pas, contrairement à ce que l’on croit, Napoléon Ier qui a créé la seconde droite. Mais tout d’abord posons-nous la question : qu’est-ce que le bonapartisme ?
L’un des piliers de la droite française est le bonapartisme. Celle-ci se divise en trois catégories : premièrement il y a le légitimisme, appelé également royalisme, défini comme étant un courant politique favorable à la restauration de la monarchie absolue, c’est-à-dire au retour des Bourbons. Ces légitimistes se trouvaient dans la chambre des députés sous Louis XVIII ; assemblée qu’on qualifiait d’introuvable puisqu’il n’y avait que des absolutistes. Puis il y a les Orléanistes ; ce sont des démocrates libéraux partisans de Louis-Philippe d’Orléans. L’Orléanisme se base sur une politique libérale du point de vue économique et se veut démocratique du point de vue constitutionnel. Louis Bonaparte avait fait, en 1836, un coup d’Etat contre le gouvernement de Louis-Philippe, qu’il qualifiait de bourgeois. En effet, l’Orléanisme repose sur un électorat bourgeois. Si nous voulons faire un parallèle avec notre société et notre échiquier politique, nous présenterons nos politiques de cette manière :
– Sarkozy est un bonapartiste sans nul doute, un gaulliste fier des idées libérales mais ne voulant pas être le candidat de la bourgeoisie mais celui du peuple.
– Marine Le Pen est une bonapartiste à coup sûr, préférant une volonté d’expression du peuple par référendum. Elle illustre un système reposant, non pas sur la voix des élus, mais plutôt sur celle du peuple, ce qui est l’une des caractéristiques d’un régime bonapartiste.
– Bruno Le Maire serait à placer chez les Orléanistes, très libéral sur les sujets économiques mais également sur les problèmes de société. Il veut apparaître moderne, ce qui lui ajoute une pointe de bonapartiste. Car n’oublions pas que le bonapartisme est avant tout une idéologie qui favorise un changement par la sollicitation populaire.
-Alain Juppé est un mélange de bonapartisme et d’orléanisme. Libéral sur le plan économique mais plus radical sur la sécurité et l’autorité. Il reste cependant un personnage difficile à cerner politiquement
Le bonapartisme est donc formé grâce à Louis Bonaparte. Celui-ci vient de l’extrême gauche. En effet, dans cette seconde partie du XIXème siècle la gauche est en pleine essor : la montée du syndicalisme, de l’anarchisme, du socialisme et du marxisme bouscule la philosophie et l’idéologie politique. Les penseurs tels Sorel pour le syndicalisme révolutionnaire, Proudhon, Bakounine pour l’anarchisme et bien sûr le plus important Marx pour le marxisme, marquent ce siècle. Mais Napoléon n’est point marqué par ces penseurs. Alors qu’il est en exil en Angleterre, il est spectateur de la révolution industrielle et s’intéresse aux nouvelles technologies. Ce mélange de socialisme, de modernisme et d’autorité lui permet de rassembler un grand nombre de partisans à un moment crucial de sa vie.
Napoléon, le rassembleur ?
Louis Bonaparte est vu comme un monarque bien qu’il ait été Président de la République. En effet, quand le régime bourgeois de Louis-Philippe Ier tombe, un gouvernement provisoire est créé, et c’est Lamartine qui est poussé pour y être à sa tête. Ce gouvernement donne à la France une nouvelle constitution, une nouvelle république à caractère présidentielle. Voilà une aubaine pour Louis Bonaparte ! Nostalgique des conquêtes napoléoniennes, qui avaient apporté un prestige à la nation, le monde intellectuel et populaire se réjouit du retour d’un Bonaparte au pouvoir. D’autres y voit une menace pour la démocratie et protestent fortement. Il est donc le mieux disposer à rassembler. Il se voit confronter à Lamartine, grand poète et ancien chef du gouvernement provisoire, fort de sa victoire aux municipales et de son siège de député, il se présente comme un libéral. Cavaignac, le général modéré est le principal concurrent de Bonaparte. Puis entre autres, Raspail, socialiste, grand scientifique, était avec le peuple de Paris lors des fameuses « Trois Glorieuses ». Napoléon est donné favori. Sa popularité est due, en partie, au fait qu’il se nomme Bonaparte. Ce nom a une influence qu’on ne peut sous-estimer ; de plus, d’ un point de vue idéologique, il réunit un grand nombre d’électeurs. Il rassemble les électeurs de gauche, du fait de ses idées sociales, les nostalgiques de l’empire, ceux soucieux de l’ordre et de l’autorité et les libéraux favorables au progrès technologique et donc à une industrialisation du pays. Il sort vainqueur de cette bataille en rapportant 74% des voix. Une victoire écrasante ; Cavaignac n’est qu’à 19% des voix, Raspail totalise 0,51% des voix, et Lamartine ne rassemble que 0,23% des suffrages.
Elu Président, Louis Bonaparte est considéré comme un crétin, un homme simple qu’on peut facilement manipuler. En effet, les bêtes politiques tels qu’Adolphe Thiers pensent pouvoir le manipuler et donc tirer les ficelles et avoir, indirectement, la main sur le pouvoir. Mais le bon Bonaparte réserve quelques surprises.
2 décembre, hommage à un oncle…
La IIème République installée, Louis Bonaparte peut appliquer son programme ; il mène une politique conservatrice. De plus les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se tendent. Bonaparte insiste pour renouveler son mandat de quatre ans, mais la chambre à majorité monarchiste s’y refuse. Le jeu politique est donc tendu, le chef de l’Etat est affaibli et la chambre renforcée. Le futur empereur va renverser la partie car il veut garder le pouvoir. Sachant pertinemment qu’il ne peut compter sur la République, il prend son destin en main et décide de préparer un coup d’Etat. C’est le 2 décembre 1851 qui sonne le glas de la République. C’est la fin de la IIème République. Puis le 14 janvier 1852, la nouvelle Constitution est promulguée. Mais Napoléon fait croire qu’il est soucieux de l’avis du peuple et donc le consulte par le biais d’un plébiscite. Dans un premier temps, le peuple est consulté pour valider sa prise de pouvoir, il le fera à 92% des voix. Dans un deuxième temps, il veut que la population accepte sa volonté de devenir empereur, elle répondra à 96% « oui ». Louis Bonaparte se proclame empereur des Français le 2 décembre 1852. En réalité, ces chiffres plus que satisfaisants, sont moins significatifs de l’avis de la population qu’ils n’y paraissent. Un exemple parmi tant d’autres montre le caractère impérialiste des plébiscites : dans les régions d’opposition, seuls les cartons « oui » ont été imprimés. Cela révèle une vision de la démocratie assez spéciale.
Un pouvoir, deux facettes
Une fois l’Empire installé, le pouvoir bonapartiste se lance, dans un premier temps, dans une voie politique à caractère autoritaire : suppression des libertés publiques, une suite de décrets permettant de liquider l’opposition puis en fin la fameuse « loi des suspects » qui entraîne une succession d’arrestations, de déportations et d’exil, notamment celui du père de Clémenceau, ce dernier sera amené à partir en Algérie-lors du départ le jeune Georges lui aurait lancé : « je te vengerai père »-. La presse est contrôlée par le gouvernement ; les journalistes d’oppositions sont découragés . Napoléon à la main mise sur tout le pays. Il va également utiliser le suffrage universel comme justificatif de ces actes. Tous ces plébiscites ont atteint des scores pouvant aller jusqu’à 96% de « oui », mais la réalité de ces résultats gigantesques réside dans une sorte d’arrangement : en effet, les régions hostiles à la politique impériale sont matraquées et noyées. Les maires sont nommés par les préfets. Les premières victimes de ces mesures sont les députés républicains, ceux à la gauche de l’échiquier politique
Du point de vue économique, l’empereur fait entrer, petit à petit, la France dans le capitalisme moderne. Et lance l’empire dans la voie de l’industrialisation. De nombreuses banques sont créées telles que la Société Générale ou encore le Crédit Lyonnais ; des travaux sont également entrepris dans Paris mais aussi dans les autres grandes villes de France.
Sur la politique étrangère, le pouvoir impérial convient à une continuité de la politique orléaniste : rapprochement avec la Grande-Bretagne. Napoléon III participe à de nombreux conflits : la guerre de Crimée ou encore la campagne d’Italie. Une politique extérieure centrée sur la population catholique. C’est l’une des caractéristiques qu’il faut souligner.
A partir de 1860, le II empire entre dans sa phase nommée libérale. Pour commencer une nouvelle politique rien de tel qu’un pacte économique entre deux nations ; la France signe un accord de libre-échange avec la Grande Bretagne. Le pouvoir devient également libéral d’un point de vue purement politique : les républicains sont acceptés, les monarchistes admis. L’exemple sera montré lors des élections législatives de 1863 et 1869. Par la pression des différents corps politiques, le régime se libéralise. C’est le temps des réformes utiles, des réformes libérales qui seront approuvées par les Français, ou en tout une partie, à 80% des voix.
La fin d’un règne
La fin du règne napoléonien expose un sentiment mitigé ; il libéralise les institutions en installant un système semi-parlementaire. Mais la fin de l’empire est rythmée par des échecs électoraux malgré un développement économique toujours plus important, des lois sur l’instruction publique, ou encore l’Exposition universelle. Mais l’ambiance et l’échiquier politiques sentent la fin, la déchéance impériale ; Sedan scellera cette fin de règne. La guerre avec la Prusse s’avère être un véritable échec. Bonaparte est capturé, l’empire prend fin. Un gouvernement provisoire est formé ; Napoléon III devient l’ennemi public numéro 1, lui et son régime sont déchus, accusés d’être responsables de la ruine et de l’avancée prussienne ; l’empereur pousse son dernier grand cri en s’opposant au vote de l’assemblée. Il s’exile en Angleterre, rejoignant sa femme et son fils ; là-bas il y reçoit la reine Victoria et son premier ministre et prépare son retour au pouvoir ; il croit qu’il pourra faire un « retour de l’Ile d’Elbe ». le 9 janvier 1873 il s’éteint à l’âge de 65 ans. On lui fait un mauvais procès, le traitant de tyran ; il a pourtant modernisé et industrialisé l’économie, fait des réformes sur le droit des travailleurs- un certain nombre seront présents à son enterrement-, il est resté 18 ans au pouvoir et, nous pouvons le dire, il est « le père du bonapartisme ».
Corentin Masson