Bonjour Patrick,
Merci d’accepter de répondre à mes questions pour le Blog du Lycée Montaigne afin de nous présenter le métier de grand reporter que vous avez exercé pendant 42 ans.
Pouvez vous nous raconter votre parcours professionnel ?
Grand reporter à France Télévision, voilà qui peut faire rêver ou fantasmer mais derrière les mirages il y a une réalité exigeante… mais aussi une vie passionnante faite de rencontres extraordinaires et de témoignages de personnages étonnants.
L’envie de faire ce métier m’est venue d’une fascination pour l’image et surtout d’une grande curiosité pour ce qui se passe « de l’autre coté ».
Après un Bac philo, une licence de Lettres Modernes pour préparer le concours d’entrée en école de journalisme et un master à l’Institut Européen du Cinéma et de l’Audiovisuel, je suis entré à France 3 en 1977 en tant que stagiaire et je suis resté à France Télévisions pendant 42 ans.
De stagiaire à France 3 Région, puis journaliste spécialisé et enfin Grand Reporter, j’ai eu l’opportunité de découvrir le monde ainsi que d’extraordinaires régions françaises, loin de l’actualité « chaude » et des breaking news à l’américaine.
J’ai présenté des journaux télévisés de stations régionales, et j’ai participé à divers émissions telles que La dictée de Bernard Pivot ou encore Midi en France avec Laurent Boyer.
Quelles qualités faut-il pour exercer ce métier ?
De reportages à Amiens en passant par Marseille puis Poitiers et Bordeaux, il fallait une grande faculté d’adaptation pour arriver tôt le matin en conférence de rédaction après une nuit de voyage et repartir aussitôt en reportage. Pour faire des rencontres extraordinaires, aussi bien au bout de la rue, qu’au bout du monde, il faut du temps et de la patience. Pour découvrir et révéler ce que chaque individu renferme, il faut écouter et donc prendre son temps… le temps, ce qui manque cruellement dans la couverture médiatique d’une société en mouvement, sans cesse relayée par des chaînes d’information en continue !
Le temps… le compagnon de route du journaliste, qui doit être associé au recul nécessaire pour avoir un regard critique et une analyse distanciée sur un évènement.
En résumé je dirais, une grande capacité d’adaptation à toutes les situations, beaucoup de patience, de la rapidité exigée par la couverture de l’information, une résistance au stress, de la curiosité, une grande rigueur et enfin, de l’écoute.
Quelles ont été tes plus belles rencontres ?
Une de mes plus belles rencontres fut celle de Patrick Dupond, avec un « D » comme «Danse » qui vient de nous quitter. J’ai suivi ce génie de la danse pendant ses tournées au Japon et aux Etats-Unis en tant que danseur étoile, qui malgré sa notoriété est toujours resté accessible et d’une grande générosité.
Quel reportage t’a le plus marqué ?
« Pour mémoire », reportage d’un voyage initiatique des élèves d’un lycée de Metz à Auschwitz, le camp d’extermination nazi, avec le tournage d’une séquence du film « La Liste de Schindler » de Steven Spielberg dans l’ancien quartier juif de Cracovie en Pologne. Un choc historique qui fut très émouvant.
Un autre reportage très marquant fut celui de la première mission chirurgicale française en Chine à Shanghaï en 1984 pour confronter les différentes techniques médicales.
Ou encore « L’or des Dieux, l’or des Andes » sur les trésors des civilisations pré-colombiennes. Ce reportage fut rempli de moments intenses en découvrant des momies Incas sur des sites péruviens, ou des moments d’insécurité en Colombie où nous étions en permanence accompagnés de gardes armés au milieu des narcotraficants.
Quels sont les lieux qui t’ont le plus étonnés ?
En 1984, découvrir les « Champs Elysées » de Shanghaï (Nanjing Lu avenue ), une avenue commerçante longue de 5 km avec ses 600 boutiques qui n’étaient éclairées que sur 300 m et sans aucune voiture ! Un voyage hors du temps.
Mais il ne faut pas oublier les régions françaises qui apportent également des souvenirs incroyables comme le Mondial Air Ballons dans l’est de la France qui est le plus grand rassemblement au monde de montgolfières, avec 456 ballons alignés.
Le métier de grand reporter a-t-il changé depuis le début de ta carrière ?
Aujourd’hui le métier de journaliste est confronté aux réseaux sociaux où en un tweet de quelques lignes, le Président de la plus grande démocratie au monde peut implicitement inciter ses partisans à envahir le Capitole !
A l’heure ou il suffit d’un mobile et d’un accès à internet pour publier des informations parfois non vérifiées ou haineuses, le métier de journaliste doit savoir faire face à ce phénomène et être plus rigoureux que jamais.
Merci Patrick !
Gaïa
