Depuis plusieurs mois, on entend beaucoup parler des protestations qui ont lieu en Iran. Mais comment ce pays du Moyen-Orient en est-il arrivé là ?

Août 1941, en pleine seconde guerre mondiale, l’alliance anglo-soviétique envahit l’Iran : son dirigeant, Reza Chah, est beaucoup trop proche de l’Allemagne nazie pour les Alliés. Mohammed Reza Pahlavi, son fils, va alors en profiter pour s’emparer du pouvoir et devenir le Chah d’Iran (titre du souverain Iranien). Dans les années qui suivent, la monarchie de Mohammed Reza va non sans mal continuer à prospérer. En 1953, le premier ministre nationaliste Mohammad Mossadegh devient beaucoup trop influent pour le Chah, ce dernier énonçant des valeurs antimonarchistes. Le Chah est obligé de partir s’exiler en Italie, mais alors les services de renseignement britanniques et américains vont s’unir pour renverser Mossadegh ; ainsi le premier ministre se voit perdre ses pouvoirs en plein mois d’août par le MI6 et la CIA. Le Chah revient d’Italie, et va renforcer le régime, le rendant plus autoritaire, proche d’une dictature. De là naissent des révoltes à partir de 1963, également dues à la « révolution blanche » du Chah, une suite de réformes visant à relancer le pays économiquement et socialement ; cependant ces réformes sont très mal appliquées, créant un grande quantité d’argent qui est majoritairement reversée à l’armée ou à une élite, ce qui va créer une opposition brutale. Le clergé islamique chiite critique aussi le Chah et gagne en influence dans le pays. Un certain Khomeini, figure importante de l’opposition religieuse, va se faire remarquer dans les émeutes, si bien que ce dernier est exilé en 1964. Plus tard, Le Chah va organiser une énorme célébration onéreuse pour l’anniversaire de la fondation de l’empire Perse en 1971 et à partir de 1975 minimiser le rôle de l’Islam dans la société : tout cela va encore augmenter le mécontentement du peuple, particulièrement des pauvres, qui sont majoritairement adeptes de l’Islam chiite.

Tous ces évènements vont mener à la révolution, dont les prémices apparaissent en 1977 avec les partis d’opposition qui vont se multiplier, dont celui de Khomeini, situé alors en Irak ; à partir de là les manifestations vont devenir de plus en plus régulières, ce qui mène à l’application de la loi martiale par le Chah en septembre 1978. Des manifestants meurent tous les jours, et le 16 janvier 1979, le Chah est forcé de partir s’exiler dans plusieurs pays, et meurt un an plus tard. L’ayatollah (l’un des titres les plus élevé dans le clergé chiite) Khomeini, exilé à cette période en France, revient en Iran le 1er février. Le 11 février, Khomeini accède officiellement au pouvoir, et instaure un gouvernement provisoire. Le premier ministre prend la fuite, ce qui marque la fin de l’empire d’Iran. Lui et les théologiens vont prendre le contrôle région par région du pays, en épurant l’armée des pro-Chah.
Quelques mois plus tard, le pays devient officiellement une République islamique. A la tête du pays se trouve celui qui a le titre de « guide suprême », Khomeini. Selon la Constitution de 1979, toutes les institutions et les activités de l’Iran sont fondées sur les principes de la loi coranique, ce qui en fait du pays une théocratie tournée vers l’Islam chiite. Le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République, le pouvoir législatif par un Conseil des gardiens de la Constitution, et ces pouvoirs sont sous la responsabilité du guide suprême.
Du 4 Novembre 1979 au 20 janvier 1981, des étudiants iraniens prennent en otage 52 civils et diplomates américains à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Cette prise d’otage de plus d’un an est dû aux soupçons des Iraniens sur l’espionnage des membres de l’ambassade dans la capitale, à cause de la découverte d’instruments de renseignement et de documents confidentiels. Cet évènement ne va pas causer de morts mais va entrainer la suppression de l’ambassade des États-Unis à Téhéran, la fin des relations diplomatiques entre les deux pays ce qui mène à un affaiblissement économique de l’Iran. Cela, ajouté à l’amoindrissement de l’armée iranienne à cause de l’épuration, l’Irak, dirigé par Saddam Hussein, envahit l’Iran en septembre 1980. Hussein craint en vérité que la révolution des chiites en Iran influence la minorité chiite d’Irak, le pays étant majoritairement sunnite (l’Islam chiite et sunnite étant deux sous branche de l’Islam, les deux étant opposé à l’interprétation du Coran). L’Irak est soutenu par Reagan, président des Etats-Unis, qui leur fourni des armes et de la technologie. Paradoxalement, des proches de l’administration de Reagan vendent secrètement des armes et des pièces détachées à l’Iran.
La guerre, arrêté sous la demande de cesser le feu de l’ONU, durera 8 ans et causera des morts équivalentes dans les deux camps, avec un total estimé entre 700 00 et 1,2 millions de morts. Finalement, le conflit s’est retrouvé inutile des deux côtés car il n’y a eu aucun changement territorial, et les deux pays se retrouvent dans la même situation qu’au départ. On estime à cent vingt mille le nombre d’habitations iraniennes détruites durant la guerre et à cent mille le nombre de morts civiles. Quelque années plus tard, Hussein accepte de revenir aux accords d’Alger de 1975, traité qui définissait la frontière entre les deux pays.

Le 3 juin 1989, Khomeini meurt et l’actuel président, Ali Khamenei, prend sa place de guide suprême. Pendant les années qui suivent, l’Iran reste neutre durant la deuxième guerre du Golfe, et la population, affaiblie par la récente guerre, demande des reformes pour relancer mondialement le pays. Cependant toutes les demandes de reformes créent un décalage par rapport au clergé très conservateur qui veut garder mainmise sur tout. Le président au pouvoir Khatami essaie tant bien que mal de réformer le gouvernement en répondant aux attentes et du peuple et du clergé, mais en 1999, des protestations massives contre le gouvernement ont lieu à Téhéran, et deviendront les plus violentes manifestations depuis l’avènement de la République islamique. En 2005, l’ultra-conservateur Ahmadinejad devient président de la République et nucléarise le pays. Il tentera de renouer les liens avec les Etats-Unis, en envoyant une lettre au président Bush, que ce dernier refusera. Quatre ans plus tard, Ahmadinejad est réélu avec contestation au suffrage universel, ce qui donnera lieu à d’importantes protestations dans de nombreuses villes qui seront lourdement réprimées : le nombre de morts n’est pas révélé mais on l’estime au moins une centaine de manifestants tué par le pouvoir islamique.

En 2013, c’est l’homme politique Rohani qui est élu président dès le premier tour des élections. Par la suite, l’Iran fait part de sa disposition à trouver un accord nucléaire, et en 2015, le pays et le groupe 5+1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Russie + l’Allemagne) signent l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, qui vise à contrôler le programme nucléaire iranien et à permettre la levée progressive des sanctions économiques mises en place par les États-Unis et les pays Européens durant les 20 dernières années.. En mai 2018, le président des États-Unis Trump se retire de l’accord de Vienne et annonce le plus grand nombre de sanctions économiques contre l’Iran. En 2021, l’Iran annonce avoir commencé à produire de l’uranium enrichi à 60%, violant donc les règles établies par l’accord de Vienne, ou il est stipulé que l’Iran ne produirait pas d’uranium enrichi à plus de 4%. L’uranium enrichi à 90% peut être utilisé pour fabriquer une arme nucléaire ; l’Iran pourrait donc obtenir dans les prochaines années une bombe atomique, ce qui inquiète grandement la communauté internationale qui avait justement signé l’accord de Vienne pour empêcher cet événement.
En fin 2017, des manifestations massives contre la corruption des élites ont à nouveau lieu. Même chose deux ans plus tard, mais cette fois ci les manifestants ciblent aussi le clergé et le guide suprême Khamenei, alors que la loi l’interdit ; des portraits de lui sont brûlés dans tout le pays. Le 3 août 2021, Rohani est remplacé par celui qui est l’actuel président de la République, Ebrahim Raïssi, qui est par ailleurs accusé par Amnesty International de crime contre l’humanité pendant la guerre Iran-Irak.
Le 16 septembre 2022, la jeune femme iranienne Kurde Mahsa Amini, âgée de seulement 22 ans, meurt trois jours après avoir été arrêté par la police de la moralité iranienne, aussi appelé police des mœurs. Ces derniers accusent la femme de ne pas avoir respecter le code vestimentaire obligatoire en vigueur, qui stipule que toutes les femmes doivent porter un hijab (voile porté par les femmes musulmanes qui couvre leur cou, leurs oreilles et leur cheveux). Selon la police des mœurs, Mahsa Amini est morte après trois jours de coma suite à un problème cardiaque ; cependant, plusieurs témoins accusent la police d’avoir battu violemment l’étudiante. Cela ajouté a la fuite des radios de son crâne, les Iraniens en viennent à la conclusion que Mahsa est morte d’une hémorragie intracérébrale suite à des violences policières. Cette mort va engendrer d’énormes vagues de protestations, en Iran mais aussi dans le monde entier. Les manifestations en Iran sont, comme à leur habitude, fortement réprimées par la police islamique. Les manifestants crient « A bas le dictateur ! » dans les rues, slogan qui était utilisé il y a plus 40 ans contre le Chah et qui est maintenant à destination de Ali Khamenei. Le président Raïssi accuse lui la population Kurde iranienne de susciter ces protestations, les qualifiant d’ennemis.

Aujourd’hui, il y aurait selon les observateurs au moins 400 morts et 18000 arrestations depuis le 16 septembre 2022. Le gouvernement utilise de plus en plus l’exécution par pendaison, avec dernièrement l’exécution de l’Irano-Britannique Ali Reza Akbari, membre du ministère de l’intérieur iranien. Ce dernier était accusé d’être un espion du MI6, et a été condamné à mort sans qu’il y ait de preuves de ce quoi on l’accuse.
Il est assez troublant de voir dans les protestations de ces derniers mois une forte ressemblance avec les protestations qui ont mené à la chute du Chah en 1979. Les prochains mois nous diront donc si les manifestations actuelles mèneront à la chute du clergé conservateur à la tête du pays ou s’ajouteront juste à la liste des protestations fortement réprimées par le gouvernement qui ont lieu depuis des années en Iran.
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Iran
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ali_Khamenei
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rouhollah_Khomeini
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_Iran-Irak
https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Iran
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_otages_am%C3%A9ricains_en_Iran
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mahmoud_Ahmadinejad
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ebrahim_Ra%C3%AFssi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mort_de_Mahsa_Amini
Alexandre Hélein