Jean-Michel Thénard face aux élèves de Montaigne

Jean-Michel Thénard
Jean-Michel Thénard pendant l’émission L’Instant M
de Sonia Devillers

Rencontre avec Jean Michel Thénard journaliste au Canard Enchaîné.

Ce vendredi 13 décembre 2019, la classe média a eu la chance de recevoir le journaliste, rédacteur chef-adjoint du Canard Enchainé et écrivain Jean-Michel Thénard dans le but de l’interviewer.
Nous lui avons posé des questions concernant à son parcours, Le Canard Enchaîné et la situation des médias actuelles.


Voici ses réponses :

Orlando : Pourquoi êtes-vous devenu journaliste ? Est-ce que des journalistes ont été des références pour vous ?
Jean-Michel Thénard explique qu’il écoutait principalement la radio quand il était plus jeune en particulier Europe 1 et que le journaliste François Ponchelet y racontait la guerre du Vietnam ce qui l’ait particulièrement impressionné.

Flore : Quelle a été votre formation ?
Jean-Michel Thénard : Un Bac scientifique, puis hypokhâgne et khâgne à Henri IV.
Il a ensuite raté son année Normal Sup et ne voulait pas redoubler.
Il hésitait à faire Sciences Po mais cet été là il est tombé sur un article du journal Nouvel Observateur sur les différentes écoles de journalisme. Il a eu une révélation à ce moment là : c’est ce qu’il voulait faire.
Il a donc passé les concours de l’école de la Rue du Louvre, la CFPJ.

Sarah : Pourquoi restez-vous au Canard Enchaîné ?
Jean-Michel Thénard : Car c’est un des derniers journaux indépendants en France, ce qui est une bénédiction car il peut avoir de l’esprit critique dans les articles.
Les grands journaux français appartiennent désormais à des industriels.
Il n’y a pas non plus de publicité, la liberté n’est donc pas restreinte par les annonceurs de publicités. Selon lui les journaux sont en partie morts à cause de la publicité restreinte.

Orlando : En dehors du Canard Enchaîné, quel est votre journal préféré et
pourquoi ?

Jean-Michel Thénard : Grâce à son métier, il a la chance d’avoir tous les journaux sur son bureau le matin, il lui est impossible de tous les lire, il les feuillette.
Ces préférés sont Le Parisien, qui est pour lui un des meilleurs, Le Monde, pour ses enquêtes que personne ne fait et le New York Times, qui a une édition européenne et qui grâce à ses 1000 journalistes a une très grande force d’investigation.

Maxime : Qu’est-ce qui différencie le Canard Enchainé des autres journaux ? Estimez-vous que votre travail de journaliste soit plus pertinent que celui des autres ?
Jean-Michel Thénard répond qu’il n’a pas cette prétention. Cependant, Le Canard Enchaîné étant indépendant, il peut écrire sur n’importe qui et n’importe quoi sans crainte que son budget soit réduit. Il précise qu’il n’est pas à l’abri d’un procès, que cela ne rend pas le Canard meilleur, mais que son champ d’investigation est plus large. Toutes les recettes dépendent des lecteurs (1€20 le numéro), c’est pourquoi il lui est nécessaire de les intéresser pour motiver leur achat.

Eliot : Avez-vous retenu des informations ? Avez-vous pratiqué une forme d’autocensure ?
Jean-Michel Thénard : Le métier de journaliste consiste à mener une enquête, c’est-à-dire interroger des gens. Ils peuvent être dans l’embarras, il faut donc respecter à leur demande, leur anonymat. Il ne faut pas les mettre en difficulté. Le respect des sources est crucial. Dans un cas plus rare, si des Français sont pris en otage à l’étranger, le gouvernement peut exiger de nous le silence.

Question (Yves) : Craignez-vous une attaque après l’attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015 ?
Jean-Michel Thénard : Tous les journaux ont bénéficié de mesures de protection dès le lendemain de l’attentat.

Question bonus (M. Le Gall) : Y-a-t-il eu un avant et un après Charlie Hebdo ?
Jean-Michel Thénard : Il n’y a pas eu de différence pour le Canard. Le Canard Enchaîné, depuis sa création pendant la première guerre mondiale, est contre la censure, il est laïque et républicain. Charlie Hebdo, anticatholique, mène une croisade laïque contre les dérives de l’Islam tandis que le Canard Enchainé n’y prend pas part. Le Canard n’a donc jamais fait de dossier sur l’Islam.

Question (M. Le Gall) : Est-ce qu’il y a des sujets tabous ? En discutez-vous entre journalistes au Canard Enchainé ?
Jean-Michel Thénard : Non, il n‘y a pas de sujet tabou. Il faut savoir comment aborder le sujet. La façon dont Charlie a traité la question n’est ni bonne, ni mauvaise, elle était provocante et donc dangereuse. Le Canard Enchaîné se consacre davantage à l’enquête, Charlie Hebdo privilégie les commentaires provocants, à tort ou à raison.

Flore : Comment et où trouvez-vous vos sources ? Avez-vous peur des représailles de la part des politiques ou de grandes entreprises ?
Jean-Michel Thénard : Une source est quelqu’un qui a quelque chose à raconter. Il faut souvent aller chercher des sources mais parfois, elles viennent d’elles-mêmes. Dans tous les cas, il faut faire un travail de vérification, ne pas faire confiance à une seule personne (règle du journalisme). Il faut vérifier en préservant l’anonymat et confronter les témoignages. La vérification est presque l’essentiel du travail de journaliste.

Question (M. Le Gall) : Des personnes haut-placées téléphonent-elles au Canard Enchaîné pour nuire à d’autres ?
Jean-Michel Thénard : Les batailles politiques reviennent à tuer un adversaire par des mots. Certaines personnes ont en effet intérêt à appeler les médias.

Question (Yves) : Je ne comprends pas la grève et la réforme des retraites, les médias traitent-ils bien le sujet ?
Jean-Michel Thénard : Personne ne comprend rien à la réforme. Les médias généralistes ne rentrent pas dans le détail, ils parlent de sujets généraux mais c’est une critique légitime. À 17 ans, il achetait le Monde le jeudi pour le supplément livré. Il n’y comprenait rien. Il conseille de lire des journaux qui utilisent différentes sources pour améliorer son esprit critique.

Question (Eliot) : Pourquoi autant d’illustrations ?
Jean-Michel Thénard : Le Canard Enchaîné est un journal satirique. Les dessins sont essentiels pour le journal. Il y a beaucoup moins de bons dessinateurs que de bons journalistes. On exerce plus facilement son esprit critique sur un dessin. Le dessin peut cependant être dangereux (Cabus, un des meilleurs caricaturistes est mort lors de l’attentat de Charlie). Le New-York Times ne publie plus de dessins car ils étaient trop provocants. Le dessin a plus de forces qu’un simple article.

Question (Ange) : Avez-vous déjà songé à changer de métier ?
Jean-Michel Thénard : Non, journaliste est un métier que j’ai fait par choix. Je n’ai jamais regretté ce choix et je suis parfaitement à l’aise dans ce métier. Mon moteur & toujours été la curiosité. Mais de nos jours, il n’y a plus aucune bonne raison pour nous de devenir journaliste. Les gens n’accordent pas de confiance aux journalistes. Un journaliste doit pouvoir raconter des choses que les pouvoirs ne veulent pas raconter, il a un rôle citoyen. Si il raconte ce que le pouvoir veut dire, alors ce n’est plus une démocratie. Il faut donc “crever le décor” Malheureusement, l’information a un ennemi : la communication. Ceux ayant le pouvoir l’utilisent pour diffuser ce qu’ils veulent diffuser.

Question (Yves) : Que nous conseilleriez-vous pour faire journaliste ?
Jean-Michel Thénard : Beaucoup de journaux disparaissent car ils veulent créer une presse plus honnête. Il y a 4 ou 5 écoles très sérieuses pour devenir journaliste, ou il y a aussi Science Politique. Aujourd’hui, il est très difficile de devenir journaliste sans faire d’école. Un journal est normalement composé d’un sujet-verbe-complément. Dans le cas du Figaro, c’est sujet-verbe-compliment. On trouve de moins en moins de titres dans les journaux. Un monde sans information est un monde dans lequel on n’a pas forcément envie de vivre.

Céleste Batteur, Jade Souleyreau et Alexandre Compain

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