La commémoration de l’ouverture des camps de concentration

A l’occasion de la Journée internationale à la mémoire des victimes de la Shoah qui se tient chaque année le 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, les élèves de troisième de la cité scolaire Montaigne -Paris VI° arrondissement- ont travaillé sur des thèmes en lien avec la déportation. L’ensemble des travaux a été de grande qualité, mais il fallait faire des choix.

Mon choix s’est porté sur l’histoire des deux camps et des personnes qui ont vécu l’enfer et qui s’en sont sorties comme Simone Veil et Elias Ruth.

Ces fichiers retracent les grandes lignes de l’histoire de deux camps restés célèbres pour plusieurs raisons. Oranienburg se caractérise par le fait qu’il est l’un des premiers à avoir été construit par le régime nazi et Auschwitz-Birkenau sympbolise à lui seul toute l’horreur de la pensée d’homme et d’un système. Nous avons aussi souhaité faire un exposé sur les enfants et la Shoah.

Oranienburg (Louison, Martin, Raphaël)

https://drive.google.com/file/d/15jb3hwdO4meRf9zKXc3boreqlD63V9Ex/view?usp=sharing

Auschwitz-Birkenau (Eléone, Joséphine, Marie, Noa) 

https://drive.google.com/file/d/17jtQYvCEUlLz5NzG0Xmfo4-vwFwBPWul/view?usp=sharing

Les enfants et la Shoah (Emie)

https://drive.google.com/file/d/1sK3hCwfFVF2hosxII4Pf2FMJhNriZo-n/view?usp=sharing

 

Simone Veil

Introduction

Rescapée de la Shoah, Simone Veil, ancienne ministre et membre du conseil constitutionnel, laissera à jamais une empreinte considérable dans l’esprit des français.

Symbole de la lutte pour les femmes, elle représente le courage et la liberté.
Capturée, libérée, critiquée, huée, acclamée, sa vie fut rythmée par des évènements aussi tragiques que mythiques.

« J’ai le sentiment que le jour où je mourrai, c’est à la Shoah que je penserai. »
Une enfance brisée

Née le 13 juillet 1927 à Nice, issue d’une famille juive assimilée et laïque, benjamine d’une famille de quatre enfants et préférée de sa mère avec qui elle partage une relation particulière, Simone Veil passe une enfance heureuse et paisible au bord de la côte d’azur.

Malheureusement, sa vie est troublée par la crise économique de 1929. En effet, son père, architecte, a de moins en moins de commandes.
Puis, par la signature de l’armistice de la France envers l’Allemagne, et pour finir par l’arrivée de la Gestapo due à la suppression de la zone libre de 1943, il perd soudainement le droit d’exercer sa profession.

Après avoir passé son baccalauréat, Simone Veil doit quitter le lycée. A ce moment-là, la famille Jacob s’éparpille par précaution, avec des faux papiers.
Le 30 mars 1944, elle est arrêtée avec un camarade chrétien relâché par la suite. Sa sœur Denise, figure de la résistance, reste à Nice avec son père.
Simone Veil adolescente

La vie dans les camps : Matricule 78651

« Là-bas, je n’ai jamais pleuré. C’était au-delà des larmes. »
Telles furent les paroles de Simone Veil quand elle témoigna des pires années de sa vie, dans le camp d’Auschwitz Birkenau.

Après avoir passé six jours à l’hôtel Excelsior, Simone Veil est placée dans un train en direction de Drancy, elle y passe quelques jours et où elle retrouve sa mère et sa sœur. Jean, son frère, décide de travailler pour les allemands pour rester en France.
Elle est ensuite envoyée avec sa mère et de sa sœur pour le camp d’Auschwitz Birkenau.

Le camp d’Auschwitz Birkenau ou Auschwitz II est l’une des trois parties du complexe concentrationnaire d’Auschwitz. Situé à Oswiecim en Pologne, il a une superficie de 170 hectares. On estime son nombre de victimes à 2 millions.

Dans son convoi (le 71) ils sont plus de 1700. Nul ne peut imaginer ce qui va suivre. On lui dit de mentir sur son âge ce qui la sauve de la mort. Au petit matin elle est tatouée, on lui prend ses vêtements, et lui rase la tête. C’est l’un de ses plus grands traumatismes: « Nous ne sommes plus des personnes humaines, mais seulement du bétail : j’étais devenue un numéro ».

On lui prend aussi tous ses bijoux et vêtements, et lui donne à la place des haillons probablement déjà utilisés.
Elle est ensuite amenée dans le camp de la quarantaine, où elle travaille durement. Le but de ce camp est de briser toute résistance psychologique, mentale et morale du nouvel arrivant.

Tous les détenus sont entassés sur des lits de bois et ont pour repas de la soupe de légumes séchés. Sans protéine, il est très dur de survivre à un travail d’une telle amplitude.

De son bloc, elle aperçoit de la fumée s’échapper des fenêtres, c’est celle des cadavres brûlant dans les fours crématoires.

« Une odeur épouvantable se répandait partout. Cette nuit-là, personne ne put dormir ».

Elle assiste peu après à l’extermination massive de juifs hongrois.
Etant proche d’une rampe d’arrivée de trains, elle voit, jour après jour, des convois qui transportent de plus en plus de monde.

En juin 1944, la chef du camp, Stenia, interpelle Simone Veil et lui dit qu’elle est trop jolie pour mourir ici.

Cette femme ne lui sauve pas seulement la vie, elle sauve aussi celle de sa mère et de sa sœur. Elles sont peu après envoyées dans un autre camp, Bobrek. Là-bas, Simone travaille dans les travaux de terrassement. Sa mère commence à s’affaiblir, malgré un travail moins épuisant, et une nourriture plus consistante.

Le 18 janvier 1945 les Alliés arrivent : c’est le début de la marche de la mort.
Encadrées par les SS, elles rejoignent à pied les autres déportés d’Auschwitz. Entassées dans des wagons plats, elles connaissent de terribles conditions de vie, sans nourriture et sans lumière. Après être passées par Mauthausen et Dora, elles échouent à Bergen-Belsen le 30 de ce mois.

A Bergen-Belsen, les conditions de vie sont encore pires, il n’y a presque pas de nourriture, pas le moindre soin médical, même l’eau manque. De plus, une épidémie de typhus fait rage.

« Bergen-Belsen était devenu le symbole de l’horreur de la déportation et de l’agonie de l’Allemagne ».

Le hasard fait qu’elles rencontrent une nouvelle fois Stenia, ici encore chef de camp. Elle la reconnait et la mute aux cuisines des SS.
Cela lui permet d’apporter de la nourriture à sa mère et sa sœur, affamées. Mais ce n’est pas suffisant. En effet, sa mère, atteinte du typhus, y succombe le 15 mars 1945.

« Aujourd’hui encore, plus de soixante ans après, je me rends compte que je n’ai pu me résigner à sa disparition. D’une certaine façon, je ne l’ai pas acceptée ».

Le 17 avril, Bergen-Belsen est libéré par les anglais.
Suite aux mesures prises pour stopper l’épidémie du typhus, Simone et sa sœur malade, mettent un mois pour regagner l’hôtel Lutetia à Paris.

Elles apprennent que leur sœur Denise a aussi été déportée, mais qu’elle a également la vie sauve. Son père et son frère, quant à eux, ont été envoyés au camp de Drancy d’où ils ne revinrent jamais.

Les trois sœurs, enfin réunies, doivent tout réapprendre.

Comment tout reconstruire ?

Simone Veil doit refaire sa vie. Elle est recueillie par ses oncles et tantes et éprouve des difficultés à se réintégrer. Elle passe à Nyon, en Suisse, un été éprouvant où elle doit affronter les regards et les questions indiscrètes des personnes à propos de son tatouage et de sa déportation.

« Nous n’étions que des victimes honteuses, des animaux tatoués, il nous faut donc vivre avec ça ».

Elle apprend à la rentrée qu’elle a été reçue aux épreuves du baccalauréat passées en 1944. Elle s’inscrit ensuite à la faculté de droit puis à Sciences Po où elle rencontre Antoine Veil, qui devient son mari et le père de ses trois fils.

Malgré ces années difficiles, elle remporte en 1956 le concours de la magistrature et prend en charge les affaires judiciaires comme titulaire à la direction de l’administration pénitentiaire, ou elle se battra pendant sept années pour l’amélioration du sort des détenus.

Elle laisse sa première empreinte dans le monde politique.

Simone Veil, à 21 ans, avec son mari et ses deux enfants. Dans ses bras, Nicolas, nouveau-né. Dans ceux de son mari, leur fils aîné, Jean, 13 mois.

Politique et loi pour l’avortement

Première femme de son époque à se lancer dans une carrière politique d’une telle envergure, Simone Veil enchaîne des postes de plus en plus importants. En effet, elle occupe en l’espace de dix ans , les postes de directrice des affaires civiles, sous la tutelle du garde des Sceaux Jean Foyer puis devient en 1969 conseillère technique du cabinet du ministre de la justice, René Pleven. Elle est ensuite affectée au poste de secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature par le président Georges Pompidou.

En mai 1974, elle est nommée ministre de la santé par Jacques Chirac, alors premier ministre.
Elle est alors la seule femme de ce gouvernement.

Lors du premier conseil des ministres, Giscard d’Estaing, président de la République, aborde le sujet de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Simone Veil est chargée de faire adopter le projet de loi. C’est un dossier extrêmement délicat.
Soutenue par le ministre de l’intérieur et de nombreux mouvements féministes elle prononce pendant quarante minutes un discours qui bouleverse la société française et l’a fait entrer dans l’Histoire.

Trois jours après des débats parfois violents, la loi de la législation de l’IVG est votée dans la nuit du 29 novembre avec 284 voix contre 189 à l’Assemblée Nationale. Le texte est ensuite voté au Sénat et promulgué le 17 janvier 1975.
Votée initialement pour 5 ans, cette loi surnommée « loi Veil » est définitivement adoptée en 2001.

C’est un moment très dur dans la vie de Simone Veil, extrêmement critiquée et humiliée, notamment le jour où elle voit écrit sur la porte de son domicile :
« Veil = Hitler ».

Simone Veil parlant à l’assemblée national
Figure européenne

Pour Simone Veil, la constitution européenne est le seul moyen d’éviter les horreurs du passé.

Lors des premières élections du parlement européen au suffrage universel de 1979, elle porte les couleurs de l’UDF et est élue première présidente de la commission européenne. Elle devient alors citoyenne de l’Europe au rang le plus élevé. Elle occupe ce poste jusqu’en 1982, et reste très engagée dans la vie politique européenne.

Elle quitte cependant cette vie en 1993 et devient ministre d’état des affaires sociales dans le gouvernement d’Edouard Balladur, sous la présidence de Jacques Chirac

Simone Veil au parlement européen

Dernières actions politiques

En mars 1993, elle est de nouveau ministre de la santé et des affaires sociales. C’est la première femme nommée ministre d’état. De 1998 à 2007, Simone Veil achève sa carrière politique au conseil constitutionnel, elle y siège pendant 9 ans et y traite notamment le problème de la primauté du droit communautaire sur la législation française sociale : elle a maintenant 71 ans.

En mémoire des juifs

Parallèlement, Simone Veil assure la présidence de la fondation pour la mémoire de la Shoah de 2000 à 2007. Pendant cette période, elle ne veut non pas imposer à tous un devoir de mémoire, mais simplement une connaissance d’une histoire commune et ses pages les plus noires (la Shoah et les autres génocides).

Elle incarne toujours pour les français la mémoire de la Shoah.

Elle a également veillé à ce que la plus grande bibliothèque Yiddish soit restaurée, et est à l’origine de l’hommage rendu aux Justes au Panthéon en 2007. Elle a le soutien du président de la République de l’époque, Jacques Chirac.
Simone Veil retourne plusieurs fois à Auschwitz, accompagnée de ses petits-enfants, qui veulent en apprendre davantage sur l’histoire de leur grand-mère.
Là-bas, elle témoigne des atrocités qu’elle a vécues.

Derniers honneurs, fin de sa vie et hommages

Elle est élue à l’Académie Française en 2008, et grave sur son épée le numéro de son matricule ; elle devient immortelle.

En 2012, le Président de la République François Hollande lui remet les insignes de grand-croix de la légion d’honneur.

Malheureusement elle s’éteint le 30 juin 2017 à l’âge de 89 ans à Paris.
Le 5 juillet, elle reçoit un hommage national aux Invalides, où sont présents de nombreuses figures politiques. La famille de Simone Veil demande que la cérémonie soit ouverte aux anonymes.

Aujourd’hui, elle repose avec son mari au Panthéon, afin de témoigner de “l’immense remerciement du peuple français à l’un de ses enfants tant aimés, dont l’exemple, lui, ne nous quittera jamais” déclare le président de la république, Emmanuel Macron lors d’un discours.

L’ensemble des académiciens lui a également rendu hommage sous la Coupole de l’académie des sciences.
Elle est la cinquième femme qui repose au Panthéon. Cet édifice qui proclame :
“Aux grands Hommes la patrie reconnaissant ”

Conclusion

Simone Veil a donc au cours de sa vie lutté et défendu coûte que coûte ses valeurs.
Féministe convaincue et grande européenne, cette rescapée des camps de la mort eut au cours de sa vie une force incroyable puisée de ses expériences.
Elle restera à jamais une figure emblématique du 20e siècle, incarnant la mémoire des 6 millions de juifs exterminés durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans ce devoir, toutes les citations sont tirées du livre autobiographique de Simone Veil, « Une vie », rédigé 60 ans après son retour des camps.

Nos sources

http://www.lejdd.fr/politique/simone-veil-rescapee-de-lenfer-dauschwitz-3377171
http://www.cercleshoah.org/spip.php?article117
 Et le livre autobiographique « Une vie »

Dossier réalisé par Judith et Carla.

Elias Ruth

La Seconde Guerre mondiale est un conflit armé à l’échelle planétaire qui dura du 1er septembre 1939 au 2 septembre 1945, opposant schématiquement les Alliés et l’Axe. Elle est causée par les rancœurs et frustrations qu’avait entraînées le traité de Versailles, vécu comme un diktat par les peuples allemand, autrichien, hongrois et bulgare, la crise de 1929 à l’origine des rivalités entre les états, et la montée du nazisme fondé par Hitler.

L’Allemagne nazie a été à l’origine de la Shoah, c’est à dire l’extermination systématique de six millions de Juifs, soit presque 40 % des Juifs du monde pendant la Seconde Guerre mondiale. Désignés par les nazis comme leurs ennemis irréductibles et assimilés par leur idéologie à une race inférieure, ils furent affamés jusqu’à la mort dans les ghettos, assassinés par des fusillades massives, sous-alimentés dans les camps de concentration ou gazés dans les camps d’extermination. Cette systématisation fait de la Shoah le seul génocide industrialisé de l’Histoire.

Certains rescapés de la Seconde Guerre mondiale racontent les horreurs subies dans des livres, films, interviews. C’est à travers plusieurs ouvrages, notamment un documentaire nommé les Quatre Soeurs, qu’Elias Ruth, juive connue pour avoir survécu aux camps grâce au bébé qu’elle enfanta en camps d’extermination, nous raconte son histoire.

Les Quatre Sœurs est un film français réalisé par Claude Lanzmann, présenté lors de festivals (NYFF, Viennale) en 2017 et diffusé sur Arte en 2018. L’œuvre est composée de quatre films, d’environ une heure chacun, constitués d’images tournées par Lanzmann pendant ses douze ans de travail sur la Shoah, avec comme particularité que les quatre personnes interviewées par Lanzmann sont des femmes. La partie du film consacrée à Elias Ruth est nommée le serment d’Hippocrate.

Elias Ruth est une juive déportée d’origine tchécoslovaque, née le 6 octobre 1922 et décédée le 11 octobre 2008.

Elle est issue d’une famille riche, son père tenant une usine. Elle vivait
avant la guerre à Moravska Ostrava, dans la région de la Moravie en Tchécoslovaquie. Cette ville était habitée par de nombreux Juifs scolarisés pour la plupart dans un lycée allemand. Enfant, elle jouait du piano et espérait entrer à l’académie de musique de Prague.
C’est en mars 1939 que les troupes allemandes envahirent la
Tchécoslovaquie, alors qu’Elias avait 19 ans. Elle affirme qu’elle se souvient la façon dont les SA leur ont brutalement fait comprendre qu’ils avaient l’interdiction d’entrer dans leur propre usine, et la face de son père quand il a réalisé qu’il devait abandonner ce qui lui appartenait et emménager alors dans un petit appartement, contrastant déjà avec le niveau de vie aisé qu’ils avaient l’habitude d’avoir.

En septembre 1939, les Allemands emmenèrent tous les juifs de la ville natale d’Elias à Nisko, en Pologne. Son père décida alors d’acheter de faux papiers d’identité pour sa famille afin de fuir leur pays. Ils se réfugièrent ainsi en campagne dans un petit village où ils travaillèrent dans une ferme. Hélas, le 4 avril 1942, ils furent déportés à Theresienstadt “Comment ont-ils su qu’on était juifs ?” se demande toujours Elias. “Quelqu’un a dû leur dire qu’il y avait des juifs à Pozoriste U Brna”.

A Theresienstadt, les hommes et les femmes étaient séparés et vivaient dans des casernes devant lesquelles une armée était postée et dans lesquelles tous étaient serrés, et avaient à peine de quoi se nourrir. Avec du recul, elle se rend compte qu’elle avait de la chance d’être jeune et de ne pas voir des choses (comme la misère qu’elle traversait) qu’elle réalise maintenant. Là-bas, elle retrouva son fiancé, ce qui la rendit heureuse, malgré la faim et l’épuisement. Par chance, il réussit à trouver un emploi consistant à livrer des choses dans la caserne des femmes, lui permettant ainsi de rendre visite à Elias et de transmettre des messages entre elle et son père.

“Tout d’abord, on perd sa personnalité. Puis on est déçu de vivre et on se demande “pourquoi je vis ? A quoi ça sert ?” Et au moment où on perd cette volonté de vivre… Quand notre esprit meurt, on meurt. (…) En fait, on dansait au rythme de la musique allemande, parce qu’ils avaient fait leurs recherches, ils avaient établi leur programme, ils voulaient simplement que ça se passe comme ça. (…) Seulement on n’en savait rien.”
Sept jours après leur arrivée à Theresienstadt, elle et sa famille ont été appelées pour un transport. Mais le soir même, Elias fut prise d’une angine et ne pouvait pas partir car la législation la déclarait “inapte au transport”. Etant agée de moins de 21 ans, sa famille devait rester pour s’occuper d’elle. Cette situation l’arrangeait elle, mais son père, malade de la tuberculose, voulait absolument partir de cette ville irrespirable. Il demanda alors à sa fille de dire au médecin qu’elle n’était plus souffrante et qu’elle pouvait prendre le transport. Seulement, celle-ci voulait restait auprès de son fiancé.“Mon petit ami est venu et m’a dit “Ruth, c’est très facile, on va se marier”. (…) Une heure plus tard, il est revenu accompagné d’un rabbin. Ma voisine de matelas a enlevé son alliance pour que le rabbin prononce les mots magiques “vous êtes maintenant mariés”. De cette façon, elle a pu obtenir l’autorisation de rendre visite à son père dans le quartier des hommes et lui annoncer la nouvelle. “Jamais de ma vie je n’oublierai l’expression sur le visage de mon père. Il s’est mis à pleurer. Il s’est mis à pleurer et je ne comprenais pas pourquoi. Et maintenant, à chaque fois que je pense à mon père, je ne vois que l’image d’un homme qui pleure. D’une certaine façon, il m’a donné sa bénédiction. Je lui ai dit au revoir et c’est la dernière fois que j’ai vu mon père.” “J’ai dit au revoir à tout le monde. Je pleurais parce que c’était un au revoir. Mais qu’y avait-il derrière cet au revoir ?”.

Son mari entra au sein de la sécurité du ghetto à Theresienstadt et elle devint infirmière. Elle fut intégrée au service des femmes âgées et alors qu’elle n’avait même pas vingt ans, elle fut terriblement affectée par les horreurs dont elle fut témoin : “Quand j’étais dans l’équipe de nuit, chaque nuit, au moins deux ou trois personnes mourraient dans mes bras. Où mouraient-elles ? Sur le sol, dans le froid et dans le malheur. Elles demandaient leurs filles ou leur petits-enfants et me parlaient d’eux. (…) ça tombait sur moi, deux, trois personnes, et il fallait que je les prenne et que je les emmène dans la salle mortuaire. Et ce qui restait des cadavres, je devais le réunir et en faire un paquet parce que le lendemain, la famille venait le récupérer. C’était trop pour moi, je ne pouvais pas supporter ça. J’ai décidé que je ne pouvais plus supporter cette misère et que je serais cuisinière.”
Être cuisinière lui donnait accès à la nourriture et seul l’instinct de survie comptait. Elle trouva donc un moyen de voler de la nourriture.
A Theresienstadt, elle avait accès aux journaux juifs grâce à la communauté juive qui travaillait toujours à Prague. Ça ne l’intéressait pas mais un jour elle eut l’occasion d’en lire un et vit que son oncle était mort dans sa ville natale. “J’ai alors remercié dieu que cet oncle soit mort normalement dans son lit d’un cancer”.

Les règles étaient de moins en moins strictes au camp si bien que le mari d’Elias Ruth put avoir le privilège d’obtenir une pièce où les deux amants pouvaient vivre ensemble. Un jour, elle découvrit qu’elle était enceinte et ce, juste après que l’avortement fut interdit sans aucune raison connue. Mais elle n’était pas prête à fonder une famille.

Son mari et elle ont ensuite été appelés au transport pour l’est, sans qu’Elias ne puisse rien faire contre sa grossesse. “Nous avons été chargés dans ces wagons à bétail. Un seau servait de toilettes et l’autre était rempli d’eau. Les portes étaient fermées et là-haut, quelque part, il y avait une fenêtre fermée par des fils barbelés. Quand le seau des toilettes était plein, on allait tous se tapir dans un coin et quelqu’un essayait de vider ce seau à travers cette petite fenêtre (…). En pleine nuit, on a été entassé dans des baraquements. On a été numérotés, nous étions des animaux.”

Un jour, au camps, on leur dit “séelection”. On n’en savait pas plus. Des rumeurs disaient que les personnes jeunes et fortes quitteraient Auschwitz pour travailler en Allemagne. Elias demanda à un de ses amis qui travaillait au bureau de mettre son nom sur la liste alors qu’elle était enceinte. Elle voulait quitter Auschwitz. Son nom fut alors mis sur la liste. Ainsi, la sélection partit laissant toutes les jeunes mères, personnes âgées et malades qui, par la suite, furent gazées. Ils furent transportés dans des wagons à bétail pour Hambourg et à leur arrivée, les femmes durent se déshabiller et passer nues devant les SS avant d’être divisées en deux sections. “Mengele était debout et faisait “Droite. Gauche. Droite. Gauche.” Il faisait un signe de la main -et ça je ne le savais pas- qui voulait dire “Vie. Mort. Vie. Mort”. (…) Et mon instinct me disait “si je passe entre ces deux SS je ne survivrai pas” parce que j’en étais à mon 8ème mois de grossesse. J’ai demandé à des amies à moi qui étaient magnifiques “S’il vous plait, restez derrière moi et devant moi, peut-être que les hommes qui sont avec Mengele ne me verront pas et passeront à côté de moi pour que je puisse passer avec vous du bon côté même si je ne sais pas lequel est le bon. (…) Et quelque chose en moi m’a dit “tu viens de te sauver la vie”. Et je voulais vivre. Je voulais vivre, j’étais si jeune.”

Elles furent placées dans des entrepôts avec comme seul espace vital un matelas. Le lendemain, on leur donna des outils et on leur dit de nettoyer une raffinerie allemande bombardée. Elias travaillait tout en cachant sa grossesse.“On rentrait le soir, morts de fatigue, mais d’une certaine façon j’étais satisfaite. J’étais avec mes amies”. Un matin, un médecin SS entra et demanda si il y avait des malades dans ce bloc et la doyenne, qui pourtant était proche d’Elias, a répondu qu’il n’y avait pas de malade, mais deux personnes enceintes. “J’étais si surprise. Et je ne savais pas quoi faire car je ne voulais pas qu’ils sachent que j’étais enceinte. Je travaillais, je ne voulais pas qu’ils sachent. Et, jusqu’à ce moment, je ne savais pas que nous étions deux”. Le SS empêcha Berta et Elias de travailler et les conduisit alors à la gare pour y prendre trois billets en direction de Ravensbrück, un camp réservé exclusivement aux femmes. “Arrivées à destination, on nous expliqua à moi et à toutes les autres femmes enceintes que nous allions partir. On ne nous en a pas dit plus”. À ce moment Élias eut un pressentiment et dit à son amie Berta “ Je vais dire qu’on est sœurs, que tu as des contractions et je vais rester avec toi” Elle alla ensuite à la rencontre d’une femme SS et lui dit “On vient de nous dire qu’on allait partir cette nuit mais ma sœur est enceinte et elle a des contractions, je ne peux pas la laisser dans cet état. Je vous dis ça car vous êtes une femme et vous pouvez comprendre” En guise de réponse, la SS donna l’ordre à Élias et Berta de rester à l’infirmerie. Ainsi, elles restèrent au camp et ne revirent jamais les autres femmes, parties pour Auschwitz et gazées par la suite.

Mais le lendemain un SS remarqua que Berta avait simulé ses douleurs. Il emmena alors les deux femmes à la gare et prit des billets pour Auschwitz. “En entendant cela, tout s’est effondré autour de moi car je savais que personne n’était jamais revenu de ce camp”. A leur arrivée on leur demanda leur nom puis on les envoya au camp des femmes.

Un jour, Elias sentit des contractions: “Je ne savais pas ce que c’était et je pensais que cela provenait de mon foie car personne ne m’avait expliqué ce que ça faisait”. Dans l’après-midi les douleurs devinrent plus intenses. Le soir même, Elias accouchait d’une fille. Le jour d’après, le docteur Mengele vint puis dit “Cette femme, mettez-lui un bandage sur la poitrine : elle ne doit pas nourrir le bébé. Je veux voir combien de temps celui-ci peut vivre sans nourriture”. On lui a alors bandé la poitrine. “ Le bébé pleurait à côté de moi, il avait faim. J’avais du pain que je trempais dans la soupe et que je donnais en cachette à ma fille”. Cela a duré plusieurs jours mais au fil du temps le bébé devenait de plus en plus maigre. “Un jour Mengele est venu et m’a dit “ demain à 8h vous et votre enfant soyez prêtes : je viens vous chercher”. “À ce moment-là j’ai compris que j’allais mourir. De toute façon je ne voulais plus vivre cette souffrance. D’une certaine façon j’étais contente de pouvoir m’échapper de cet enfer”.
“Lorsque la nuit est tombée je me suis rendu compte que c’était la dernière nuit que je passais. J’ai alors commencé à pleurer et à hurler” Avertie par les cris, une infirmière vint et demanda à Elias ce qui lui arrivait. Elle répondit qu’elle allait mourir. Alors l’infirmière partit et revint une demie-heure plus tard avec une seringue : celle-ci contenait de la morphine. L’infirmière expliqua à Elias qu’elle devait piquer son enfant pour que celui-ci ne souffre plus. Bien entendu, Elias ne voulait pas tuer sa propre fille mais la femme lui expliqua qu’elle avait prêté le serment d’Hippocrate (d’où le titre du documentaire) et qu’elle devait aider et sauver des gens; malheureusement elle ne pouvait rien faire pour le bébé qui allait mourir dans quelques jours si ce n’était qu’abréger ses souffrances. Elle put ainsi persuader Elias. “Tard j’ai piqué cette morphine sur mon bébé qui mourut auprès de moi au bout d’une heure. Le lendemain, son corps fut ramassé à la collecte de cadavres qui avait lieu chaque matin au camp.” À 8h, lorsque le docteur Mengele chercha les deux filles, il demanda à Elias où se trouvait son enfant. Une fois qu’elle lui eut expliqué, il voulut en avoir le cœur net et alla voir la collecte de morts. En revenant il lui dit “ vous avez eu de la chance” car cela avait permis à Elias de rater son transport qui partait dans la matinée et ainsi, s’en sortir indemne.
Après ces évènements, grâce à sa force, son courage, sa tenacité et un reste de chance, elle réussit à faire partie des rares survivants de l’atrocité des camps.

Après la guerre Elias fut Libérée. Elle retourna dans son pays la Tchécoslovaquie pour chercher ses parents dont elle n’avait plus de nouvelles. Malheureusement ils étaient morts pendant la guerre. Elias se retrouva alors très seule, si bien qu’elle entra dans une dépression. “Je ne voulais plus vivre car je pensais que cela ne rimait plus à rien. De plus, personne ne comprenait ce que j’avais enduré”. Elle dut alors entrer dans un sanatorium où elle rencontra un médecin qui lui fit une proposition : il l’emmena dans une salle et lui montra une corde posée sur une table “le médecin m’a dit alors “Vois-tu cette corde posée là ? Dehors il y a plein d’arbres, si tu n’as plus envie de vivre va te pendre. Mais si tu veux encore te battre, j’ai une autre proposition. Installe-toi à un bureau et écris tout ce que tu as enduré. À chaque fois qu’il t’arrivera quelque chose dans ta vie écris le.” “Ces paroles m’ont sauvé la vie et c’est ce qui m’a donné l’envie d’écrire le livre dont je suis aujourd’hui l’auteure.”
Une fois guérie, Elias retrouva l’infirmière qui lui avait donné la morphine, qui l’avait sauvée des camps. “Aujourd’hui nous sommes devenues tellement proches que je considère cette femme comme ma mère”. Peu après, Elias a eu 2 enfants. Elle est décédée de vieillesse en 2008 mais a eu le temps de livrer son témoignage de la barbarie nazie.

Des millions de juifs ont été injustement torturés, très peu ont survécu et encore moins sont connus aujourd’hui. Elias Ruth est revenue vivante quand elle aurait pu mourir plusieurs fois, mais son destin en a décidé autrement. A de nombreuses reprises elle a bénéficié de concours de circonstances heureux qui lui ont permis d’échapper au pire. Face à la barbarie nazie, le courage ne suffisait pas, il fallait aussi un minimum de chance pour s’en sortir.
Elle fait à présent partie de ceux qui ont ouvert les yeux sur la cruauté de cette guerre et ont partagé leur histoire avec le monde.

Source utilisée :

https://www.arte.tv/fr/videos/068408-001-A/les-quatre-soeurs-1-4/

http://www.fondationshoah.org/memoire/journee-internationale-la-memoire-des-victimes-de-la-shoah

Article réalisé par Meltem