« Moi, j’ai beaucoup de patients qui me disent qu’ils iront voter Le Pen »
La phrase écrite ci-dessus peut faire frémir et cela est compréhensible. Cependant, elle révèle la situation désastreuse de notre vie politique, de l’incompréhension de beaucoup, de l’égarement des électeurs de gauche et de droite. Vous vous demandez sûrement comment ou plutôt qui a dit cela ; je me dois de préserver l’anonymat de mon interlocuteur. Mais je prendrai le temps de vous l’expliquer et de vous présenter une interview plus qu’intéressante.
J’ai, depuis quelques temps, des problèmes aux pieds. Afin de soigner ce mal, j’allais chez une podologue, dans le XVIIème arrondissement, un quartier du Nord de Paris qu’on pourrait qualifier (pour une partie) de populaire. Je me dirigeai donc chez cette podologue. Pendant qu’elle m’opérait le pied, je m’occupais de lui parler, parfois de chansons mais souvent de politique : Sarkozy, Juppé, Hollande, Fillon et Le Pen ; voilà tous les sujets qu’on pouvait aborder.
Puis un jour, j’ai eu l’idée de l’interviewer car elle représente cette France qui travaille, qui se lève tôt, elle est de cette classe moyenne prolétarisée. Elle fait partie de ces révoltés, de ces égarés. Il faut parler aux gens, leur demander, discuter avec eux ; c’est la seule façon de comprendre le vote FN.
Je commençai donc par lui poser cette question : « où vous situez-vous dans l’électorat français ? ». Elle me répond sans hésitation : « A droite ». « Et pourquoi ? » ; « Car c’est la politique la plus raisonnable, la plus équilibrée, alors que la gauche, elle, veut tout partager. Non. Je ne suis pas pour ça ! ».
Nous continuons l’interview, je lui demande : « Je sais que vous êtes allée voter à la primaire de la droite, mais ce que je ne sais point, c’est pour qui avez-vous voté ? ». « Pour Fillon » me rétorque-t-elle. « Pourquoi ? ». « Car c’est le plus proche de mes idées » ; « Est-ce que le fait qu’il soit chrétien et qu’il l’exprime publiquement, vous a influencé ? ». Elle prend un certain temps pour me répondre et d’une petite voix hésitante elle me dit : « Un peu, je dois dire ». « Pourquoi ? ». « Car le catholicisme exprime une idée humaniste, une justice sociale » « Qu’est-ce qui vous plait chez Fillon et dans son programme ? » ; « Je dirai tout d’abord sa droiture, et dans son programme tout me convient ». « Et le fait qu’il soit mis en examen a-t-il changé votre vote ? ». Froidement, elle me lance : « Non, pas du tout, on cherche à le faire perdre. C’est tout. Moi je voterai pour lui au premier tour ». « Imaginons (ce qui devient de plus en plus probable), qu’il ne soit pas au second tour, et qu’il y est une opposition entre Macron et Le Pen, pour qui votez-vous ? ». A ce moment-là, je m’attendais à ce qu’elle dise Macron, car, en quelque sorte, le front républicain l’oblige. Mais la réponse est toute autre et elle fut rapide, directe et froide : « Le Pen ». Je m’empresse de lui poser l’ultime interrogation : « Pourquoi ? ». « Macron, c’est Hollande. Je n’aime pas Macron, c’est un socialiste ». « Qu’est-ce qui vous influence dans ce vote ? ». Elle me coupe pour me préciser : « Je n’ai jamais voté Le Pen, mais ce qui m’influence énormément, c’est… l’Islam. Oui, la place de l’Islam » ; « Moi, j’ai beaucoup de mes patients qui me disent qu’ils iront voter Le Pen, à cause de la place qu’a pris l’Islam ». Dans ces mots, on pourrait aisément trouver toutes les preuves d’une islamophobie, mais l’intonation de sa voix ne le faisait pas sentir. C’était juste un « ras le bol ». Elle continua : « Le burquini, le voile, avec tout ça on ne se sent plus en France ». « Et ça, c’est ce qui influence le plus votre vote ? ». « Oui, totalement ». Elle prolonge son discours : « Avant, on n’avait pas de problèmes avec les musulmans, on vivait très bien avec eux, ensemble. Pareil avec les juifs, on n’a pas de problème avec eux et on n’en a jamais eu car ils ne montrent pas à tout le monde leur religion ! ». « Vous êtes pour une véritable laïcité, c’est-à-dire : pas de signes religieux dans les lieux publics ? ». « Oui, exactement ».
La discussion se déroula fort bien. Quelques minutes plus tard, nous atteignons les dernières questions : « Ne pensez-vous pas que si Marine Le Pen est élue, sa politique ne fonctionnera pas ? ». En accord avec ma question, elle m’explique : « Bien sûr, elle ne fera rien. Rien. Elle n’aura pas de majorité et la rue la bloquera. Mais vaut mieux ça qu’un Macron ». Cette logique me paraissait étrange, mais dans ce climat de tension et d’incompréhension, cette idée apparaissait comme acceptable.
Elle conclut cette longue discussion par cette phrase simple mais qui pourrait offrir un bon résumé de notre situation politique : « Il nous faudrait un de Gaulle ».
Sources photo : © 2017 Front National Vienne (FN 86).
Corentin Masson