Le Billet d’Humeur

Fillon ou la tragédie de la droite française

 

 Nous assistons à un désastre politique, pis que cela, une tragédie. Jamais la droite n’avait connu une telle déroute. Le bateau Fillon coule et sombre doucement mais surement. On ne peut l’arrêter. C’est un naufrage voire une bataille navale où les pirates auraient des têtes de juge. Le capitaine semble perdu, égaré dans l’océan présidentiel, éloigné des deux grosses flottes qui porteraient comme insigne : FN et EM. La droite est pour l’instant dans l’impasse car son avenir relève de l’imagination. Le centre l’abandonne, des hommes forts du parti LR quittent le navire et appelleraient à mettre à la place un autre capitaine. Même les plus fidèles lieutenants de Fillon se découragent sachant que tout est foutu. Pourtant, la droite semblait être la seule à pouvoir gagner cette élection et le processus de reconquête avait été bien lancé. Souvenez-vous.

Les primaires : un cadeau empoisonné ?

Les primaires de la droite et du centre étaient une occasion pour rassembler un nombre de Français important. Ce fut une élection qui relevait d’une démocratie pleine et entière. Un mouvement sans précédent fut créé, les électeurs ont été au rendez-vous : 4 millions se sont déplacés. Un vote massif. Le peuple de droite a été appelé ; il a répondu. Dans cette élection, qui était nouvelle pour LR, fut le spectacle de multiples visions, de multiples candidats. Nous avions le trio des sondages : Sarkozy, Juppé et Le Maire. Il y avait Fillon, l’ultra-libéral, NKM, la modérée, Poisson, le chrétien, eurosceptique, et enfin Copé, candidat de la droite décomplexée. La victoire fut attribuée à François Fillon : une victoire large, un raz de marée avec environ 64% de suffrages. Le candidat choisi fut celui de la droite traditionnelle, bourgeoise. Cela faisait longtemps que le camp gaulliste n’avait pas eu un candidat aussi à droite (sur les questions économiques et sociétales). La démocratie a parlé. Mais l’aveuglement médiatique fit perdre la raison à beaucoup : car tous les spécialistes aimaient à dire que la primaire de la droite était, en fin de compte, le premier tour de l’élection présidentielle. Sauf que ce bel effort n’eut comme retour que des affaires judiciaires et autres scandales. Maintenant, tout semble perdu pour le soldat Fillon. La primaire aura donc servi à rien puisque le projet est entaché. Le bon chrétien qu’il était, le gendre idéal qu’il représentait, n’est aujourd’hui que blagues : les rires sur lui se font de partout, les critiques fusent. Il coule et ne peut rien faire. Beaucoup vive cet événement comme une trahison, un coup de poignard dans le dos. Fillon est passé de l’homme du travail à l’homme des emplois fictifs. Le camp des Républicains est déchiré. La tragédie de la droite française se fait en ce moment. Nous pensions que les affaires étaient terminées, et bien il faut croire que non. La droite est presque finie et la gauche n’existe plus.

Quelle solution pour la droite ?

A ce jour, l’avenir de la droite est indécis. Il nous reste qu’à supposer un scénario. Soit elle se divisera, se séparera, les plus modérés et les plus ambitieux iront vers Macron. Ils y trouveront surement un poste important et se feront oubliés par leur ancien parti. D’autres, les plus à droites, resteront ou prendront la décision de rejoindre une voix plus extrême. Soit elle restera unie dans une opposition farouche au pouvoir en place. Que deviendra la droite ? Sera-t-elle effacée ? Tant de questions légitimes. Peut-être que le temps est venu de laisser place à d’autres mouvements.

Une autre solution se dessine, bien sûr : la victoire. La victoire peut-elle s’offrir à Fillon ? Tout est possible dans une élection, n’oublions jamais cela. L’électeur est tellement volatil, il change d’avis comme de chemises. Il ne sait pour qui voter, il ne prend sa décision que la veille du vote. Il faut peu de choses pour dégoûter un électeur : il suffit d’avoir des affaires, ou de dire des monstruosités. L’électeur est tellement surprenant car il aime tromper : tromper, qui ? Eh bien, les sondages, les médias, il aime voter contre les vainqueurs prévus.

Fillon, le rêve empêché :

Le point était presque atteint, emporté dans un enthousiasme, par un vote plus que large, par un soutien presque absolu, la victoire était au bout de la rue. Mais il a fallu, les emplois fictifs, les affaires, les scandales. La justice tranche : le pauvre Fillon est mis en examen. Mais il est persuadé qu’il est le seul à sauver la situation désastreuse de la France. Il est aujourd’hui ce que les gens détestent. Il est à ce jour l’incarnation du politicien qui triche, qui paye trop et qui n’est, au grand malheur de beaucoup, loin de la réalité quotidienne des Français. Ainsi la droite se risque au pire, et l’échéance à venir semble bien être insupportable pour le camp gaulliste.

Mais si la victoire tant espérée ne s’accomplit pas, que ce rêve se conclue donc par un échec, ne serait-ce pas à cause du statut du candidat ? Serait-ce parce qu’il n’a fait que de la politique ? Et qu’il n’est devenu qu’un quelconque professionnel ? La vie de François Fillon n’est rythmée que par la politique, elle pourrait même la résumer. Tout est pour lui politique.

Les Français paraissent en avoir marre de ces « clones », ces « copies ». La politique est devenue, au fil du temps, un métier, une fonction. Or, cela doit être bien plus que cela. Elle est un engagement, une volonté exprimée, un amour pour son pays transmis à tout le monde. L’intérêt général doit passer avant le reste, la sûreté de la Nation est au-dessus de tout, les risques sont au centre de tout, la raison d’Etat, comme disait Richelieu, est au milieu de la politique menée, le pouvoir personnel n’existe pas, le peuple ne fait qu’un, seul un dictateur, un tyran s’y oppose.

Loin de moi l’idée de dire que Fillon est un tyran. Non. Il représente la conformité, l’élitisme du système. Cette conformité maladive s’est aggravée par la mise en examen.

Une reprise nécessaire

Qui pour reprendre ce bateau ivre ? S’il n’accède pas au second tour des présidentielles, Fillon serait sûrement remercié. Alors, un autre chef devra prendre les rennes : qui ? La mort politique de Fillon n’est pas encore signée mais elle se devine. Il faut un autre pour redresser l’entreprise épuisée, mais qui pourrait représenter le renouveau, la modernité. Une nouvelle image doit être donnée à la droite française. Le choix sera plus que difficile ; mais il est nécessaire de le faire. La mort de la droite française ne sera qu’un vulgaire cadeau pour son extrême. On laisserait les électeurs incompris vers des terres dangereuses ? Le parti gaulliste doit se reprendre en mains. Quel homme ou quelle femme peut redresser le bateau échoué de la droite ? Seul un avenir prochain nous le dira. Si Fillon meurt politiquement, le camp en question sera sujet à des disputes, à des petits arrangements. Alors les vieux démons de la droite réapparaîtront comme par enchantement : la guerre des clans se rouvrira. Un « Balladur-Chirac » ou un « Fillon-Copé » : voilà ce dont nous serons spectateurs.

Sources photo : MEHDI FEDOUACH / AFP

Corentin Masson

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