Match Juppé-Sarkozy : l’apaisé contre le chahuté
Les deux bêtes politiques sont lâchées…
Deux hommes s’opposent : l’un est un ancien Président, rejeté en 2012 ; il fait son grand retour alors qu’il est impliqué dans maintes affaires judiciaires. L’autre est un homme d’expérience : ministre des affaires étrangères sous François Mitterrand et premier ministre sous Jacques Chirac, il est aujourd’hui roi des sondages ; dans tous les cas il battrait son rival . Ces deux hommes sont Nicolas Sarkozy et Alain Juppé.
Nicolas Sarkozy est né en 1955. Avocat de profession, il débute sa carrière politique en tant que maire de Neuilly-sur-Seine puis devient ministre du budget et porte-parole du gouvernement d’Edouard Balladur (1993-1995). Sarkozy va également devenir la principale voix de la campagne de ce dernier. En effet, Balladur se présente à l’élection présidentielle de 1995 face à son ami de trente ans : Jacques Chirac. C’est l’une des plus grandes guerres électorales et politico-médiatiques de la Vème république. Balladur alors donné vainqueur par plusieurs sondages va finalement n’obtenir que 18,5% des voix et n’accédera pas au second tour de la présidentielle. Son rival va remporter cette élection avec 52% des suffrages.
Cette guerre politique est importante puisqu’elle marquera la vie politique de nos deux sujets. Sarkozy sera d’ailleurs sifflé et hué par les chiraquiens. Suite à cette trahison, comme le définit Jacques Chirac, Sarkozy va se retirer un moment des « affaires » ; il se repliera dans son fief de Neuilly. Son grand retour se fera en tant que ministre de l’Intérieur ; il obtiendra une popularité importante. Malgré la réticence de Chirac, Sarkozy sera le candidat de la droite en 2007. Il gagnera cette élection avec 53% des voix. Cinq ans plus tard il sera battu par le candidat socialiste, François Hollande.
Alain Juppé, né en 1945, inspecteur des finances de profession, marche sur les traces de Jacques Chirac. En effet, Juppé a appris la politique avec Chirac. Il est resté, malgré les évènements, le premier fidèle chiraquien : Juppé c’est le bon soldat, celui qui supporte Chirac alors que celui-ci est donné, en 1995, perdant dans tous les cas de figure. Juppé est celui qui va se sacrifier en se dénonçant à la place de son tuteur lors d’une affaire judiciaire sur les emplois fictifs de la mairie de Paris. C’est celui qui s’exilera au Québec pendant un an. Il fait son retour sur la scène politique en devenant ministre des affaires étrangères de Sarkozy. Après la défaite de celui-ci en 2012, Bygmalion, l’affaire Fillon-Copé, Juppé fait son retour et est le roi des sondages. Il y était prédisposé en 2007 mais là ça y est, il veut le faire : être candidat à la présidence de la République.
Aujourd’hui la France toute entière est spectatrice d’un combat politique. Ce combat oppose deux hommes : Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Le premier a soif de revanche. Il rêve de revenir à l’Elysée. Se « droitisant » de plus en plus, Sarkozy représente la droite dure des Républicains. Il prend un malin plaisir à jouer le populiste. Son objectif qui était celui de 2012, est de séduire l’électorat du Front national. Mais Sarkozy est comme ça. Churchill faisait la différence entre un politicien et un homme d’Etat : « le politicien suit le peuple alors que l’homme d’Etat c’est le peuple qui le suit ». Sarkozy ferait partie de la première catégorie. En effet, il aime lancer, après un évènement, des mesures, des solutions sorties de « je ne sais où » et non réfléchies. C’est une politique de communication ; on bourre de solutions et de réformes fortes et non-construites. De plus, plusieurs affaires judiciaires le poursuivent. D’autres fantômes du passé viennent le hanter : le livre de Patrick Buisson, « la cause du peuple » qui est une tribune anti-sarkozyste.
A l’inverse, Juppé est l’homme de la réflexion. Détaillant son programme en trois livres, le normalien explique et détaille son projet pour un seul et unique quinquennat. Abordant plusieurs thèmes : la sécurité (« Pour un Etat fort »), l’éducation, qu’il qualifie de mère des réformes (« Mes chemins pour l’école »), l’emploi qui est l’un de ces axes les plus importants, l’identité, l’immigration, l’Europe, puis l’Islam qui suscite beaucoup de réactions en France. Force est de constater que Juppé et Sarkozy s’opposent sur de nombreux sujets.
Chaque sujet est une aubaine pour se différencier. Prenons l’exemple de l’Islam, un sujet mis en évidence par beaucoup de nos politiques. En effet, ce sujet présente une divergence entre Juppé et Sarkozy. Deux états d’esprit s’opposent. Alain Juppé prône la discussion avec les représentants du culte musulman. Il se rêve en Napoléon. En effet, comme Bonaparte l’avait fait avec le judaïsme, il veut organiser un accord entre la République et les musulmans ; créer un Islam intégré à notre République française : un Islam de France, un Islam républicain. Voici une réforme réfléchie et construite qui a été suggérée par le philosophe Michel Onfray ou encore par de nombreux musulmans modérés.
En revanche, l’approche de Sarkozy sur cette question est tout à fait différente ; elle est plus directe, plus agressive. C’est à grands coups de paroles démesurées et de déclarations fortes que Sarkozy veut régler le « problème Islam » ; c’est par plusieurs paroles qu’il s’illustre comme un parfait populiste. Quand il dit : « la religion des barbus n’est pas drôle », il stigmatise cette religion ; il met de l’huile sur le feu. Sarkozy n’est pas un homme de la réflexion. Quand on lui proposait une loi ou une idée, François Mitterrand répondait : « Je vais réfléchir ». Sarkozy répondrait oui à toute vitesse. Il réagit comme un populiste. Ces caractéristiques sont démontrées par des exemples très précis, ses propositions : il propose l’interdiction du voile, la suppression des repas de substitution, etc…
L’identité, est un sujet d’opposition entre les deux personnages ; ils s’attaquent et ripostent : Juppé prône « l’identité heureuse », l’intégration positive et l’application pleine de la laïcité. Il a un discours pacificateur et réfléchi, un côté québécois. Il exprime une tolérance des religions tout en voulant une affirmation des origines chrétiennes de la France. Il veut une compréhension de l’Histoire de France et de sa culture par les étrangers.
En revanche, Nicolas Sarkozy veut affirmer l’identité nationale, l’identité française. C’est par des phrases telles que « nos ancêtres les gaulois » que Nicolas Sarkozy résume le problème identitaire.
La campagne continue et les différences aussi : Sarkozy se proclame, sur un ton solennel, l’homme du peuple alors que, pour lui, Alain Juppé est le candidat de l’élite. Ce dernier continue sa campagne et ses propositions pendant que son rival attaque, attaque et attaque encore.
Qui va remporter ce duel ? Qui tombera le premier ? Tout ce que nous savons c’est que ce duel risque d’être sanglant.
Corentin Masson
Bravo pour cet article, clair, précis et très pédagogique…
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