Nous avons très récemment dressé le portrait du réalisateur et producteur Serge Moati en nous intéressant très brièvement à l’œuvre de sa vie. Mais je vais maintenant vous présentez une de ses œuvres quittant le monde de la télévision pour rejoindre celui de la littérature : Villa Jasmin, roman autobiographique de Serge Moati qui retrace la vie de son père, socialiste et franc-maçon rattaché à la communauté des Granas, est journaliste, notamment à Tunis socialiste et au Petit Matin. Arrêté pour ses activités de résistance durant la Seconde Guerre mondiale, il est déporté et interné au camp de concentration de Sachsenhausen avant de parvenir à s’en échapper. Il participe ensuite à la libération de Paris avant de retrouver sa famille.
Le livre peint une image impressionnante du Tunis d’avant-guerre et de la communauté juive du Grand Tunis. Le livre est la base d’un téléfilm du même nom réalisé sous la direction de Férid Boughedir.
Je vous laisse donc lire le résumé du livre : « Comme au générique d’un film, Villa Jasmin s’ouvre sur une vieille photographie prise à Tunis. Un homme la regarde et se souvient. Le cliché lui suffit à faire surgir un monde englouti, coloré et joyeux, à reformer le puzzle d’une histoire familiale brisée par l’Histoire.
Le narrateur, omniprésent, navigue à sa guise dans le temps et dans l’espace. Il retrouve avec ses parents les jours heureux d’avant sa naissance, l’odeur têtue du jasmin de la Tunisie du Protectorat, la nonchalance de l’avant-guerre. C’est la douce présence de sa mère, Odette, le courage de son père, Serge, un juif, socialiste et franc-maçon. C’est l’Occupation, quand le drapeau nazi flotte sur la villa et qu’un jeune fasciste français règne cruellement sur le pays. C’est la résistance du père, déporté en Allemagne, relâché par miracle et libérateur de Paris.
Dans une fresque qui mêle, des deux côtés de la Méditerranée, les collabos de Paris et les combattants anti-fascistes, les Allemands et leurs victimes, Villa Jasmin dévoile des aspects peu connus de la colonisation et de la Seconde Guerre mondiale. Mais c’est aussi un chant d’amour offert par l’auteur à la mémoire de ceux, exilés du côté de la Mort, qui ne cessent de frapper à la porte des vivants, contre l’oubli. »
Dans ses livres comme dans ses films, Serge Moati raconte son histoire, celle d’un homme déraciné et celle d’un petit orphelin arraché à 11 ans de la douce Tunisie de l’après-guerre, ce monde perdu où il a laissé ses premières années de bonheur et son insouciance. Sous le soleil qui l’a vu naître, il a vu mourir ses parents et se considère comme responsable. En écrivant Villa Jasmin, Serge Moati a en quelque sorte voulu faire revivre ses parents en faisant le récit de sa vie, mais surtout en ravivant les souvenirs qu’il a de son père pour se libérer de ses fantômes.
Un livre écrit avec subtilité, j’ai beaucoup aimé le parti pris de la narration qui fait de l’auteur le spectateur de la vie de ses parents avant sa naissance. Livre passionnant aux senteurs d’Afrique du Nord, ou le jasmin est devenu l’emblème d’un renouveau.
Anaïs Issoughane